Environnement

COP26: le pétrole encore trop présent au Canada

Le premier ministre Justin Trudeau se présentera aujourd’hui à la COP26 alors qu’une croissance de la production de pétrole est toujours prévue au Canada. Cette production va bien au-delà des limites nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète, préviennent des experts.

Les principaux producteurs d’énergies fossiles, comme le Canada, prévoient une augmentation de la production mondiale totale de combustibles fossiles au moins jusqu’en 2040. C’est la principale conclusion d’une étude de l’ONU publiée le 20 octobre.

Ce rapport de l’ONU mesure l’écart entre la production prévue par les gouvernements producteurs de charbon, de pétrole et de gaz et les niveaux de production mondiaux qui permettraient de respecter les limites de hausse de température fixées par l’Accord de Paris. Un premier rapport avait été lancé en 2019, mais deux ans plus tard, le rapport 2021 constate que cet «écart de la production» demeure. Et l’opportunité «de limiter le réchauffement à long terme à 1,5°C s’amenuise rapidement».

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), révèle qu’en dépit d’ambitions de plus en plus fortes pour protéger le climat et d’engagements à zéro émission nette, les gouvernements prévoient de produire en 2030 une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle compatible avec la limitation du réchauffement de la planète à 1,5 °C.

Extrait du rapport de l’ONU

18% d’augmentation au Canada

Le Canada n’est pas en reste: à l’ouverture de la COP26, le pays est le 4e producteur de gaz, le 5e producteur de pétrole et le 11e producteur de charbon au monde.

Le rapport Projection gap montre que la production de pétrole et de gaz augmentera jusqu’en 2040 au Canada. Mais le «scénario évolutif» présenté est plus restreint que le scénario précédent. «Dans le scénario évolutif, la production de pétrole et de gaz augmente de 18% et 17% respectivement de 2019 à 2040, comparativement à des augmentations de 43% et 38% respectivement dans le scénario de référence», lit-on dans le rapport.

D’ici 2030, le Canada espère réduire ses émissions de GES de 45% par rapport aux niveaux de 2005. Le pays s’est aussi donné la cible d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Mais l’atteinte de ces cibles semble difficile.

Durant la campagne fédérale, Justin Trudeau a promis de plafonner puis de réduire les émissions de GES dans le secteur des énergies fossiles. Il ne s’est toutefois pas engagé sur une réduction de la production de pétrole et de gaz. Un telle réduction est pourtant nécessaire selon Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Admettons qu’aucun autre secteur émettait des GES. Si on garde les prévisions actuellement faites [pour les combustibles fossiles], tout semble indiqué qu’on raterait tout de même nos cibles pour les accords de Paris en 2050.

Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)

M. Schepper rappelle toutefois que le rapport se base sur des données prévues. Ces données ne sont pas figées dans le temps. «Les futurs projets seront soumis à l’approbation de la Régie de l’énergie du Canada. Il n’est pas impossible que la Régie refuse certains projets. Il ne faut donc pas considérer que toutes les projections sont figées. Mais c’est ce qui est prévu. Cela montre présentement qu’il n’y a pas une volonté politique ferme.»

Impacts sur les travailleurs

Une transition vers une économie sans exploitation de pétrole, de gaz et de charbon aurait un impact mineur sur les travailleurs du Canada, estime M. Schepper. Les énergies fossiles ne représentent qu’environ 1% de la main-d’oeuvre du pays, souligne-t-il. Mais cet impact sera ressenti de façon concentrée dans des endroits bien spécifiques, notamment en Alberta.

«Toute forme de volonté de transition va frapper certains secteurs, qui seront moins d’accord pour réduire la production. Si on veut vraiment transitionner, il va falloir diminuer le nombre d’emploi annuellement de manière planifiée, comme c’est le cas dans le charbon. De sorte à favoriser leur transition vers d’autres secteurs. Une transition juste qui maintient leur qualité de vie.»

En route vers la COP 26

L’étude de l’ONU constate que le financement des énergies fossiles a considérablement diminué. «Un tiers des banques multilatérales de développement (BMD) et des institutions de financement du développement (IFD) du G20, par la taille de leurs actifs, ont adopté des politiques qui excluent les activités de production de combustibles fossiles de tout financement futur», note le rapport.

Mais au lancement de la COP26, Bertrand Schepper s’attend à la stratégie habituelle des élus du Canada concernant le pétrole. Une stratégie qui consiste à établir «des objectifs très élevés et très ambitieux mais rarement avec des mesures qui permettent de nous y rendre».

Ce que j’aimerais entendre, c’est « nous allons faire des efforts et nous allons les quantifier le plus rapidement possible ». Mais comme tel, je m’inquiète d’entendre des beaux discours

Bertrand Schepper, chercheur à l’IRIS

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