Environnement

Le Québec en voie de rater ses cibles climatiques pour 2030

Le Québec est en bonne voie de rater ses cibles climatiques, selon le rapport État de l’énergie au Québec 2022, publié jeudi par les titulaires de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Johanne Whitmore et Pierre-Olivier Pineau.

Pierre-Olivier Pineau explique que le Québec est en route pour rater les cibles de réduction d’émissions de GES dont il s’est doté pour 2030. Et ce, malgré un «Plan vert» de 6,7 milliards de dollars sur cinq ans.

Déjà, pour l’année 2020, c’est raté.

«Peu de changements sont réalisés dans nos structures et habitudes de consommation, atteindre ces cibles sera extrêmement difficile», mentionne M. Pineau dans le rapport. Pour renverser cette tendance, de nouvelles mesures devront voir le jour. «Sans mesures additionnelles à celles identifiées dans le Plan pour une économie verte 2030, le Québec n’atteindra pas ses objectifs climatiques, tout comme il n’a pas atteint sa cible de réduction de GES de 2020.»

Peu d’actions entreprises

Pierre-Olivier Pineau fait remarquer que les émissions de GES n’ont fait que croître depuis 2014. Le marché du transport et l’attrait des VUS peuvent expliquer cette hausse continue, indique-t-il. En effet, la proportion de camions légers sur les routes québécoises a considérablement augmenté. Ils représentent 71% des véhicules vendus en 2020, contre seulement 44% en 2010. Le secteur des transports est responsable à lui seul de presque 50% des émissions de GES au Québec.

Équiterre milite justement pour qu’une législation empêche de faire la promotion publicitaire de tels véhicules. L’organisme environnemental expliquait, il y a déjà plusieurs mois, que les VUS sont une menace à l’atteinte des cibles climatiques en plus d’entraîner des enjeux de sécurité.

«La mollesse de nos actions pour repenser le secteur des transports est clairement à pointer du doigt pour ce bilan gênant et inquiétant: on met de plus en plus de véhicules sur nos routes et ils sont de plus en plus gros», a commenté l’analyste en mobilité à Équiterre Andréanne Brazeau.

Pour sa part, le responsable de la campagne climat-énergie à Greenpeace Canada, Patrick Bonin, estime qu’une bonne partie du blâme revient au gouvernement de François Legault.

«Après trois ans au pouvoir, il n’y a aucune justification pourquoi le gouvernement nous présente encore un demi-plan de lutte aux changements climatiques. C’est certain qu’avec la volonté politique et une discussion franche avec la population sur l’ampleur des défis et les efforts personnels et collectifs qu’on doit faire, c’est possible.»

Patrick Bonin, responsable campagne climat-énergie à Greenpeace Canada

Solutions de rechange insuffisantes

Le rapport met en évidence le fait qu’en matière d’énergie les filières comme le biodiesel, le gaz naturel renouvelable (GNR) ou l’hydrogène se développent inégalement. Le secteur du biodiesel marque notamment un net recul. La capacité de production de biodiesel au Québec est passée de 90 à 6 millions de litres par jour en 2021. En cause: la fermeture de l’usine Rothsay Biodiesel et la suspension de la production de Bioénergie AE Côte-Nord.

En 2021, l’hydrogène représentait moins de 1% du bilan énergétique québécois et le GNR ne représentait que 0,1% des volumes dans le réseau gazier, alors que la cible est de 2% d’ici 2023, précise le rapport.

Parallèlement, le nombre de véhicules électriques et de bornes de recharge est en constante augmentation au Québec.

Cependant, les surplus d’électricité issus de l’hydroélectricité pourraient s’amenuiser dans les prochaines années et même disparaître autour de l’année 2029. Les nouveaux contrats d’exportation, la croissance de la demande et l’électrification de l’économie, entre autres, feront disparaître ces surplus.

«Notre hydroélectricité est une ressource stratégique précieuse qu’il faudra gérer avec intelligence et sobriété si on veut l’opérer pour les importants chantiers qui nous attendent», souligne l’analyste des politiques climatiques à Équiterre, Émile Boisseau-Bouvier.

La pandémie comme inhibiteur

La pandémie a eu un effet de frein sur la consommation de pétrole au Québec (-11%). Mais la reprise de l’activité a fait remonter les niveaux de consommation, selon M. Pineau. Si la reprise économique et les ventes de véhicules énergivores se maintiennent, la consommation reviendra au niveau de 2019, prévoit-il. C’est déjà le cas pour le Canada dans son ensemble, souligne l’auteur du rapport.

Si aucun chiffre pour le Québec n’est encore disponible pour 2021, les données mensuelles canadiennes de 2021 de Statistique Canada montrent que les ventes de produits pétroliers ont rebondi en 2021 et ont presque retrouvé leur niveau prépandémique.

Le rapport État de l’énergie au Québec 2022

Pour 2022, les auteurs du rapport espèrent que les thèmes de la transition énergétique et des changements climatiques vont être abordés lors de la prochaine campagne électorale au Québec.

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