Le télétravail nous a sauvé bien des allers-retours entre la maison et le boulot. On peut donc penser que ça a grandement bénéficié aux personnes en situation de handicap. La réponse est… noui et dépend surtout du type de handicap. Tour d’horizon.
Les avantages
Les entretiens d’embauche en vidéoconférence ont eu des bienfaits pour ces personnes, note Lucie Enel, doctorante en communication à l’UQAM. Pourquoi? Parce qu’ainsi, on réduit dès le départ la stigmatisation à l’égard de certains candidats qui n’auraient peut-être même pas pu accéder à l’entrevue autrement. On agrandit donc le bassin de candidats potentiels.
En faisant l’entrevue à distance, on peut, en plus, ne pas remarquer qu’une personne est en situation de handicap et ainsi réduire la discrimination à son égard, ajoute la professeure agrégée à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal Marie Laberge.
Le télétravail permet, plus généralement, davantage de flexibilité, ce qui est apprécié par nombre de personnes en situation de handicap, remarque Maude Massicotte, adjointe administrative au Regroupement des organismes spécialisés en emploi pour personnes handicapées (ROSEPH), elle-même en situation de mobilité réduite avec aide à domicile.
Elle explique que le télétravail, pour elle comme pour d’autres, permet d’adapter son horaire. Elle peut prendre des pauses à des moments plus opportuns selon les soins dont elle a besoin, commencer plus tôt, finir plus tard, etc.
Et qui dit télétravail dit zéro déplacement, ce qui a permis un gain de temps pour les personnes dont la mobilité est réduite.
De plus, lorsque l’environnement chez soi est adapté, il y a moins d’effort à fournir, donc plus de concentration pour le travail.
Pour ce qui est du lien avec les collègues, Lucie Enel explique qu’en position assise, dans un fauteuil roulant, les interactions peuvent être plus difficiles avec les camarades qui sont debout. Le télétravail généralisé, selon elle, a réinstauré une forme d’égalité entre les personnes à mobilité réduite et les autres.
Les inconvénients
Mais il n’y a pas que du positif.
Pour certaines personnes en situation de handicap qui ont besoin de plus d’encadrement et qui travaillaient dans des entreprises bien adaptées à leurs besoins, le télétravail était synonyme de fin d’emploi, considérant qu’elles n’avaient pas le nécessaire pour accomplir leurs tâches à la maison, raconte Maude Massicotte.
Autre limite: la technologie. Lorsqu’on travaille à la maison, on doit presque inévitablement y avoir recours. Or, certaines plateformes ne sont parfois pas adaptées.
Le télétravail vient aussi avec la perte du lien social, ce qui peut affecter particulièrement les personnes en situation de handicap, car «souvent, elles ont moins d’occasions de sortir, de voir des gens», souligne Marie Laberge.
«Les personnes en situation de handicap vivent déjà de l’isolement à la base. Un des objectifs de les insérer dans le marché du travail est la socialisation, car le travail est une activité très socialisante. Un des risques du télétravail est d’accentuer ce sentiment d’isolement», renchérit Lucie Enel.
Être moins présent au bureau, c’est aussi être plus exclu.e des réseaux de pouvoir, ce qui nuit à la visibilité et de potentielles promotions, ajoute pour sa part Diane-Gabrielle Tremblay, professeure en gestion des ressources humaines à l’École des sciences de l’administration à l’Université TELUQ.
Prétexte pour ne pas s’adapter
Maintenant que le travail en présentiel revient, il ne faudrait pas que les personnes en situation de handicap soient coincées chez elle contre leur gré.
Le sociologue Normand Boucher raconte avoir reçu le témoignage d’une femme en fauteuil roulant qui voulait avoir accès à une toilette. Son employeur n’a pas pu lui offrir cet accès, donc il lui a plutôt offert le télétravail même si elle préférait travailler au bureau.
«Il ne faudrait pas utiliser l’excuse du télétravail pour ne plus permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder au milieu de travail comme les autres», prévient Diane-Gabrielle Tremblay.
Il faut plutôt continuer, selon elle, d’organiser et d’adapter les milieux de travail pour être davantage ouvert aux personnes en situation de handicap.
La Semaine québécoise des personnes handicapées se déroule chaque année du 1er au 7 juin afin de sensibiliser la population aux obstacles qu’elles rencontrent, mais également pour faire connaître leurs bons coups.
Plus d’un million de Québécois.es ont une incapacité. Cela représente 16% de la population de la province de 15 ans et plus, selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017.