Nous vivons à l’ère de la perfection. Le perfectionnisme est un trait de personnalité qui incite à exiger l’excellence et à juger sévèrement soi-même et les autres. Les attentes sont si élevées que lorsque quelque chose n’est pas irréprochable, cela ne vaut plus rien.
ANALYSE – Les taux de perfectionnisme n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Notre culture est obsédée par la perfection pour ce qui est du corps, du travail, du conjoint, des vacances… bref, la vie doit être parfaite. Nous pensons que les autres exigent toujours plus de nous et nous exigeons toujours plus des autres et de nous-mêmes.
Les mariages en sont l’exemple le plus flagrant.
Après 25 ans de recherche sur le sujet (et plus de 100 publications), je m’intéresse particulièrement aux tendances culturelles qui incitent au perfectionnisme — et le mariage remporte la palme dans ce domaine.
Une quête de perfection
La plupart des mariages ont des éléments en commun : deux personnes, en robe blanche et en beau costume, échangent des vœux et des alliances. Mais aujourd’hui, à l’ère des médias sociaux et de l’industrie du mariage, cet événement doit proposer une esthétique. La réception doit avoir un thème, les couleurs de la cérémonie doivent être coordonnées et, par-dessus tout, tout-doit-être-parfait.
Les tableaux d’inspiration Pinterest donnent le ton et les photos Instagram établissent la norme. La perfection est un conte dont les médias sociaux sont les conteurs. Quelle place reste-t-il au romantisme ?
Après 25 ans de recherche sur le sujet (et plus de 100 publications), je m’intéresse particulièrement aux tendances culturelles qui incitent au perfectionnisme — et le mariage remporte la palme dans ce domaine.
De nombreux perfectionnistes sont sensibles au rang social, au statut et à la domination au sein du groupe, ce qui suscite l’envie, la jalousie et le désir de surpasser les autres et transforme tout en compétition. Le mariage est un événement marquant qui modifie ou renforce le statut social ; ce qui pousse certaines personnes à rechercher la perfection jusqu’à l’excès. On s’attarde à d’infimes détails au détriment de ce qui devrait compter réellement : la célébration de l’amour.
Comment vivre un grand jour magnifique et romantique sans tomber dans le piège de la quête de la perfection ? Pour cela, il faut se concentrer sur les gens.
La pression qui vient des autres
La pression pour organiser une fête qui plaira aussi bien aux membres de la famille les plus sages qu’aux amis les plus aventureux est énorme. Le perfectionnisme prescrit par la société repose sur la croyance que la société, la famille et les amis ont des attentes irréalistes à notre égard.
Si votre mère est en larmes parce que vous ne voulez pas de cérémonie religieuse, posez-vous les questions suivantes :
Quelles sont mes valeurs ?
Déterminez vos valeurs et traduisez-les en actions. Si vous et votre conjoint souhaitez échanger avec chaque convive, n’invitez que les personnes les plus proches. Si l’environnement vous tient à cœur, remplacez les décorations jetables par des fleurs de saison. Vous aimez les animaux ? Demandez aux gens de faire un don à l’association caritative de votre choix au lieu d’acheter un cadeau. Si vos valeurs teintent votre mariage, vous risquez moins de le percevoir comme un « échec » s’il ne répond pas aux attentes des autres, ce que vivent souvent les perfectionnistes.
Qu’est-ce que je veux ?
La recherche de la perfection coûte cher. On a tendance à dépenser pour des alliances parfaites, des invitations sur du papier haut de gamme, une lune de miel sous les tropiques et bien d’autres choses encore. L’industrie du mariage capitalise sur ces aspirations, transformant les mariages en investissements considérables dont le coût moyen va de 22 000 $ à 30 000 $. Ces « idéaux » ne correspondent pas à tous les budgets. Il s’agit de désirs, et non de besoins, et il vaut mieux allouer votre argent à ce qui vous importe. Un mariage au palais de justice, des fleurs achetées à l’épicerie et un repas-partage entre amis peuvent être tout aussi exceptionnels. Les perfectionnistes ont tendance à lier leur estime et leur identité à des choses, au point où les « valeurs en toc »,comme le consumérisme, finissent par dominer leur vie. L’objectif est de faire la fête, pas de dépenser de l’argent pour faire plaisir aux autres, donc ne vous sentez pas obligés de vous endetter.
Comment pouvons-nous évoluer ?
Trop souvent, les couples tombent dans le piège de la « destinée ». Quand on croit qu’il faut qu’une personne soit faite pour une autre, il est facile de penser « ce n’était pas la bonne personne » lorsque les choses se compliquent. Les films de Disney et les romans d’amour ont inscrit la fin des contes de fées dans la culture populaire, mais la vie ne s’arrête pas au mariage. Pendant et après celui-ci, vous vivrez des défis et des désaccords. Si vous souhaitez évoluer ensemble pendant la préparation du mariage et après celui-ci, vous aurez moins tendance à dramatiser — comme le font de nombreux perfectionnistes — si les choses (ou votre conjoint) ne correspondent pas à des critères de perfection.
La pression sur les autres
Vous travaillez fort pour organiser une journée parfaite, mais le bébé de votre sœur braille pendant la cérémonie et l’oncle Michel se saoule et fait des blagues vulgaires pendant la réception. Lorsqu’on vit un moment important, on peut avoir tendance à exiger la perfection des autres, ce que l’on appelle le perfectionnisme orienté vers les autres. Et cela risque de faire naître des bridezillas et desgroomzillas(futurs mariés tyranniques) ou de transformer les beaux-parents en monstres.
Si un problème survient, ce qui arrivera assurément, n’oubliez pas les trois points suivants :
Conjoint idéal ou mariage idéal ?
Les mariages sont censés célébrer l’amour. Quand c’est fini, vous rentrez chez vous avec la personne que vous aimez, que la cérémonie ait répondu ou non à vos attentes. Ce n’est qu’un jour de votre vie, alors qu’est-ce qui est le plus important ? Avoir un mariage idéal ou avoir et être un bon conjoint ? En vous concentrant l’un sur l’autre plutôt que sur l’événement, le comportement des convives ne vous semblera pas catastrophique parce qu’il n’affectera pas votre relation.
Les relations humaines.
Vos invités sont là pour participer à un grand jour de votre vie. Est-il plus important que la célébration soit digne du magazine Vogue ou que vos meilleurs amis soient là pour vous épauler ? Les perfectionnistes ont de la difficulté à collaborer parce qu’ils sont plus préoccupés par ce que fait une personne que par ce qu’elle est. Un perfectionniste se souciera davantage de savoir si le discours de sa mère suscite les « bonnes » réactions que de savoir ce que celle-ci ressent à l’occasion de cette étape importante de la vie de son enfant. Si vous donnez priorité à vos proches, vous chercherez à échanger avec eux plutôt qu’à vous assurer qu’ils jouent leur rôle à la perfection.
Les erreurs.
Tout le monde commet des erreurs. Votre père trébuchera sur votre traîne. Le garçon d’honneur fera un discours maladroit. Le repas sera en retard. Cela arrive. Si, comme les perfectionnistes, vous tenez absolument à éviter les erreurs, cela va monopoliser votre esprit. Respirez et riez un bon coup.
La pression sur soi-même
La pression pour avoir une apparence parfaite le jour de son mariage peut être très forte. Souvent, les femmes vont suivre un régime, investir dans un blanchiment des dents et des soins de la peau avant leur mariage et se faire maquiller par une professionnelle. Les hommes ressentent de la pression pour se mettre en forme.
Tout cela alimente le perfectionnisme orienté vers soi (où on exige la perfection de soi-même) et la présentation perfectionniste de soi (où l’on souhaite paraître parfait en cachant ou niant ses défauts).
Il peut être difficile d’avoir confiance en soi si l’on croit ne pas répondre à de telles attentes, mais essayez de garder à l’esprit les points suivants :
La perfection est un mythe.
Personne, et rien, n’est parfait. Il y aura sûrement des « défauts ». Peut-être que le stress vous fera transpirer ou que vous bégayerez en prononçant vos vœux. Vous vous remémorerez tout cela avec tendresse. Ce sont souvent les « imperfections » qui rendent vos souvenirs, ainsi que votre mariage, parfaits. En vous rappelant que la perfection est une norme irréaliste, voire indésirable, vous pourrez cesser de la chercher.
Il ne s’agit pas d’un concours.
Vos intérêts, relations et valeurs diffèrent de celles de vos voisins. Leur mariage somptueux, avec 300 invités, leur convenait peut-être. Ils ne comprennent peut-être pas votre désir d’organiser un mariage intime avec 50 personnes, mais cela n’a pas d’importance. Chaque mariage est beau à sa façon. L’idée est de créer des souvenirs, pas de tenter d’impressionner qui que ce soit. Malgré ce que votre perfectionnisme vous dit, votre mariage n’est pas un échec et il ne s’agit pas d’une compétition.
Quelqu’un vous aime.
Vous ne ressemblerez peut-être pas au mannequin qui portait votre robe ou votre costume. Ce n’est pas grave. Les perfectionnistes vivent souvent un sentiment d’échec, de culpabilité ou de honte et ont une faible estime de soi en raison de leur tendance à être très critique envers eux-mêmes. Rappelez-vous que votre conjoint est tombé amoureux de vous. Il se peut que vous soyez plus en forme ou que vous vous achetiez une tenue plus flatteuse dans les années à venir, mais cela ne doit pas vous empêcher de profiter de ce moment. L’amour n’a pas besoin de perfection.
Après tout, il s’agit de votre grand jour, pas d’un jour parfait.
Ce texte a été écrit par Simon Sherry, psychologue clinicien et professeur au Département de psychologie et de neurosciences, à l’Université Dalhousie.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.