Contrairement à une croyance répandue, la qualité de l’alimentation de la population canadienne serait à peine supérieure à celle de nos voisins du sud. De plus, l’amélioration de la situation s’est avérée très mince au cours des 15 dernières années.
Voilà la conclusion à laquelle arrive une étude de l’Université Laval, qui vient d’être publiée dans la revue scientifique Nutrients. Par le passé, les recherches arrivaient à la conclusion que la qualité de l’alimentation des Canadiens était environ 20 points (en pourcentage) plus élevée que celle des Étasuniens. Toutefois, ces études reposaient sur l’indice de qualité globale des choix alimentaires par rapport aux recommandations du Guide alimentaire canadien.
«Cet indice ne permet pas de comparer directement la performance canadienne avec celle d’autres pays, explique le responsable de l’étude, Michel Lucas, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval. Afin d’avoir une base de comparaison plus fiable, nous avons calculé la qualité de l’alimentation des Canadiens à l’aide de l’indice alternatif de qualité alimentaire. Cet outil est couramment utilisé aux États-Unis.»
Ainsi, celui qui est également chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval et ses collaborateurs ont analysé des données tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2004 et de 2015. Celles-ci comptaient respectivement 35 107 et 20 487 répondants. Leurs calculs ont révélé que l’indice alternatif de la qualité de l’alimentation des Canadiens se chiffrait à:
- 36,5 en 2004, alors que l’indice précédemment utilisé donnait une note de 58,8 sur un maximum de 100;
- 39,0 en 2015, alors qu’il se chiffrait à 68,2 avec l’ancien indice.
«Ces valeurs sont comparables (voire tout juste meilleures) à celles rapportées dans les études portant sur la qualité alimentaire aux États-Unis. Par exemple, en 2004, l’indice alternatif américain se chiffrait à 34,9. En 2009-2010, il était de 37,1. Nous avons longtemps cru que les Canadiens s’alimentaient beaucoup mieux que les Américains, mais nos données suggèrent que ce n’est pas le cas», souligne le professeur Lucas.
On doit passer à l’ère 4.0, celle de l’expérimentation, du développement des capacités d’agir (cuisiner, déguster, etc.) et de la création d’environnements favorables aux bons comportements.
Michel Lucas, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au CRCHU
Développer le goût de cuisiner
Précisons que l’indice alternatif de qualité de l’alimentation est calculé à partir de données probantes liant la consommation de certains aliments à une baisse ou à une hausse du risque de maladies ou de mortalité. Il est positivement relié à la consommation de fruits, de légumes, de grains entiers, de noix, de légumineuses, d’acides gras omégas-3 et d’acides gras polyinsaturés. À l’inverse, il est négativement rattaché à l’absorption de boissons sucrées, de viandes rouges, de charcuteries et de sodium.
Vu les piètres résultats obtenus, il est impératif selon le chercheur au CRCHU de trouver de nouvelles façons d’amener la population à faire des choix alimentaires plus sains. «Puisque l’alimentation est l’un des principaux déterminants de la santé et que la véritable connaissance s’acquière par l’expérience, il faut arrêter de penser que plus d’information suffira à changer les comportements. On doit passer à l’ère 4.0, celle de l’expérimentation, du développement des capacités d’agir (cuisiner, déguster, etc.) et de la création d’environnements favorables aux bons comportements.»
Un programme ambitieux à l’égard d’une clientèle cible souvent pressée, qui succombe facilement à la tentation de la cuisine rapide et des plats préparés.
Outre Michel Lucas, les cosignataires de l’étude publiée dans Nutrients sont Gérard Ngueta, de l’Université de Sherbrooke, ainsi que Caty Blanchette, Myrto Mondor et Jean-Claude Moubarac, de l’Université de Montréal.