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L’IMC, «bullshit» ou non?

Indice de masse corporelle IMC
Pour désigner la corpulence d’une personne, l’indice de masse corporelle se base sur deux données uniquement : le poids et la taille. Photo: Montage Métro

L’indice de masse corporelle vous rappelle-t-il les cours d’éducation physique? Le pénible souvenir que certain.e.s en gardent — appartenir à la catégorie du surpoids malgré une forme physique satisfaisante — traduit un décalage par rapport à la saine image corporelle valorisée de nos jours. Doit-on remettre en question le fameux IMC?  

D’abord, établissons les bases. Inventé au 19e siècle, l’IMC sert à évaluer la corpulence d’une personne (dénutrition, poids santé, embonpoint ou obésité) à partir de deux données : le poids et la taille.  

La formule, employée uniformément pour les hommes et les femmes adultes à partir de 18  ans, divise le poids en kilogrammes par la taille en mètres carrés (soit la taille multipliée par la taille), explique Santé Canada dans le rapport Lignes directrices canadiennes pour la classification du poids chez les adultes

Classification de l’IMC en kg/m2 

Poids insuffisant = moins de 18,5 
Poids normal = 18,5 à 24,9 
Surpoids = 25 à 29,9 
Obésité = 30 ou plus 

Simple à calculer, l’indice permet d’estimer les risques de pathologies pour la santé associés au poids corporel comme le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires ou certains cancers, selon que le poids est jugé trop bas ou trop élevé par rapport à la taille, indique le gouvernement du Québec

Graisses et muscles 

Or, qu’en est-il de la masse musculaire?  

En effet, l’IMC ne tient pas compte de composantes physiologiques majeures : les masses adipeuse, musculaire, hydrique ainsi que la densité osseuse.  

Il ne s’applique justement ni aux athlètes ni aux personnes très musclées, pas plus qu’aux enfants, aux personnes âgées et aux femmes enceintes, lit-on sur Passeport Santé

Nicolas Leduc-Savard, nutritionniste du sport, enseignant à l’Université de Montréal et membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec. Photo : Alison Slattery/Two Food Photographers
Nicolas Leduc-Savard, nutritionniste du sport, enseignant à l’Université de Montréal et membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec. Photo : Alison Slattery/Two Food Photographers

S’en tenir à la taille et au poids pour déterminer le « poids santé » d’une personne est-il réducteur, voire inadéquat? C’est l’avis du nutritionniste du sport et enseignant à l’Université de Montréal Nicolas Leduc-Savard, qui affirme sans ambages, en entrevue avec Métro, ne pas utiliser l’IMC dans sa pratique. En raison des limites de l’outil, nombre d’organisations en santé n’y ont plus recours, signale le membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec.  

« Des organismes comme ÉquiLibre veulent plutôt défaire le lien entre poids et santé, et sensibilisent les gens à avoir une meilleure relation avec la nourriture et à apprécier ce que leur corps leur permet d’accomplir », avance-t-il. 

Paradoxes 

Des paradoxes émanent ainsi de ce que l’IMC désigne comme étant un « poids santé ». Une personne anorexique, mais dont la santé mentale se détériore et la masse musculaire s’atrophie, peut appartenir faussement à cette tranche « santé », cite comme exemple Nicolas.  

A contrario, une personne présentant une certaine masse adipeuse pourrait se voir classée dans la catégorie obèse, « mais être en bien meilleure santé métaboliquement », renchérit-il. Tout comme une personne très musclée pourrait y être classée, les muscles pesant davantage que les graisses. 

On peut également fumer, mener une vie sédentaire ou mal s’alimenter et avoir un poids santé; « il ne faut donc pas estimer le risque pour la santé uniquement à partir du poids corporel ou du tour de taille d’un individu », expose Santé Canada. 

Au-delà de l’évaluation individuelle de l’IMC, on peut l’utiliser à plus grande échelle afin de « déterminer la distribution et l’évolution du poids corporel au sein d’une population » et ainsi estimer « la prévalence des différents niveaux de poids corporel » chez ladite population, poursuit Santé Canada.  

Cette comparaison au sein d’une population ou entre des populations, voilà l’usage le plus adéquat qu’attribue Nicolas Leduc-Savard à l’IMC, qui précise qu’« on pourrait peut-être en tirer des conclusions, mais que celles-ci resteraient basées sur pas grand-chose ». 

La répartition du gras dans le corps est un déterminant bien plus fiable des risques pour la santé ou de mortalité à long terme que l’IMC.

Nicolas Leduc-Savard, nutritionniste du sport

Sur ce plan, les femmes jouissent d’un « avantage métabolique » sur les hommes, affirme le spécialiste, aussi cocréateur du blogue Gourmand Gourmand, puisqu’en moyenne, leur masse adipeuse « se répartit beaucoup plus dans les hanches qu’autour des organes vitaux. En contrepartie, celle des hommes se distribue plus autour des organes vitaux : foie, pancréas, etc.  ». C’est ce qu’on appelle la graisse viscérale (ou intraabdominale), explique Santé Canada. Elle est plus délétère que la graisse sous-cutanée (que l’on peut pincer), compare Community Health Center

La génétique s’en mêle 

Qu’en est-il des « gros os », du « métabolisme lent » ou de la glande thyroïde, facteurs souvent cités pour justifier qu’une personne plus corpulente puisse être en très bonne santé?  

« Ce sont tant de choses qui peuvent influencer le poids et le gras. Et c’est beaucoup déterminé par la génétique », souligne le nutritionniste.  

« La culture des diètes fait miroiter l’idée qu’on peut construire notre corps, perdre et gagner des calories à notre guise et contrôler notre poids et nos envies. En réalité, notre génétique influence beaucoup ces choses, et on peut les influencer jusqu’à une certaine limite. »  

La shape de magazine, c’est beaucoup plus atteignable par la génétique que par la volonté et l’effort. Montrer ce qu’une vedette mange pour entrer dans un maillot de bain, c’est super culpabilisant parce que la génétique de la vedette diffère de la nôtre.

Nicolas Leduc-Savard, nutritionniste du sport

Poids naturel 

Plutôt que de parler de « poids santé », qui connote justement l’IMC, Nicolas privilégie la terminologie « poids naturel », soit un poids stable qui permet d’accomplir toutes les activités que l’on veut en étant bien dans son corps, explique-t-il. 

« Ça peut donc totalement sortir de l’intervalle de poids déterminé par l’IMC », poursuit Nicolas.  

Le poids naturel relève des principes de l’alimentation intuitive. « On est plus à l’écoute de son appétit, des aliments et textures qu’on a envie de manger pour améliorer sa relation avec la nourriture, plutôt qu’en train de se fier aux consignes de la culture des diètes, comme “les glucides font grossir” ou “tu ne devrais pas manger après telle heure”. » 

Finalement, estime-t-il que l’on avance socialement en ce qui a trait aux enjeux d’acceptation de la diversité corporelle? S’il répond par l’affirmative, il souligne toutefois faire partie d’une « bulle à Montréal et sur Instagram », où les gens prônent la diversité sous toutes ses formes.  

Les mœurs ont beau évoluer, « il y aura toujours des diètes et des modes néfastes — comme celle valorisant des corps anorexiques — pour la santé mentale, ou des générations ayant été moins exposées à des messages culpabilisants qui quand même pourraient tomber dans quelque chose de dangereux », rappelle-t-il. 

Recommandations de Nicolas Leduc-Savard  

Le balado Poids et santé avec le chercheur Benoît Arsenault, «qui explique le rôle de la répartition du gras dans le corps comme étant plus important que l’IMC en tant que tel», dit Nicolas. 

Le blogue de Karine Gravel, docteure en nutrition, conférencière et autrice du livre De la culture des diètes à l’alimentation intuitive (2021, KO Éditions) 

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