Entre Georges Méliès et la NASA, pharaons et alunissages, l’artiste multidisciplinaire Emmanuel Laflamme puise dans l’imaginaire collectif afin de partager des univers fabriqués d’où surgit toujours la même question: les vérités contradictoires peuvent-elles coexister?
«Imaginez que vous avez passé toutes les années de votre vie assis dans une salle de cinéma et que l’ensemble de vos connaissances se résume aux films que vous avez vu défiler sur l’écran. Ces films sont donc votre réalité, votre vie.» Cette allégorie platonicienne revisitée constitue le point de départ de l’exposition Notre programme principal d’Emmanuel Laflamme présentée à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce jusqu’au 21 novembre.
La genèse
«Je n’ai pas été élevé dans un monde d’Art», raconte l’autodidacte de 36 ans. «Pas du tout. Pour moi, les musées et les expositions étaient des trucs de vieux ou de snobs.» Et puis, un jour, à l’âge de 16 ans, le jeune Laflamme y trouve une porte d’entrée à travers l’animation, un domaine dans lequel il fera ses armes pendant une décennie avant de le mener à la peinture.
Aujourd’hui, sa réputation n’est plus à faire dans le domaine des arts visuels. Depuis sa première exposition collective à la Galerie Fresh Paint en 2011, ses créations ornent les murs de l’avenue Mont-Royal et du Salon Art Club. Cinq ans après sa première exposition solo, il est désormais représenté par la Galerie Hubert Kalkman, à Maastricht, en Hollande. «J’espère m’être enfin débarrassé du fameux syndrome de l’imposteur», lance à la blague l’artiste montréalais.
Imposture et supercherie
Le thème de l’imposture et du faux est récurrent dans la dernière expo d’Emmanuel Laflamme. La mention «No more lies» remplace les iconiques lettres de Hollywood dans une peinture inspirée des fameuses collines californiennes. Dans un autre tableau, un alunissage est représenté comme une séance photographique sous le nom de «Fake it until you make it». Un court-métrage de 16 minutes produit sous la bannière «20th Century Fake» couronne le corpus de douze tableaux, deux boîtes lumineuses, une sérigraphie et une impression numérique. Quant au titre de l’exposition, Notre programme principal, il s’inspire de l’avis à la fin des bandes-annonces des films que l’artiste visionnait en VHS pendant son enfance à Longueuil.
«Que dit de nous le fait que l’on puisse mettre en doute l’un des plus grands accomplissements de l’Humanité? À prétendre que la photo sur la Lune ait été prise en studio? Est-ce que cela annule obligatoirement l’existence de l’alunissage? Les deux points de vue ne peuvent-ils pas avoir chacun raison?».
Les vérités qui cohabitent
Laflamme préfère poser les questions que d’y répondre. «Au fil des ans, j’ai appris à ne pas charger mes œuvres de trop nombreuses intentions. Pour la bonne raison que ce que les gens perçoivent est beaucoup plus intéressant», confie l’artiste à la casquette gavroche.
À cette époque polarisée, sa position détonne. «Il n’y a plus d’espace pour les débats et plus le temps passe, plus les non-dits triomphent. Poser des questions reste aussi tabou que par le passé. Les gens se questionnent sans arrêt, mais ils ont peur de le verbaliser.» À l’image de son art, Emmanuel Laflamme se questionne sur le sens de la vie et nous encourage à prendre un ou deux pas de recul. Et à apprendre à bien se parler pour mieux se comprendre.