Bien que la cinquième vague ralentisse, la précarité touchant certaines personnes vulnérables ne s’essouffle pas à Pointe-aux-Trembles et à Montréal-Est. Une situation qui inquiète plusieurs organismes communautaires, alors que les besoins dépassent souvent les ressources humaines et financières.
L’organisme d’aide alimentaire Action secours vie d’espoir servait de 150 à 160 ménages par semaine il y a quelque temps. Or, la demande ayant «touché un plafond avec la fin de la Prestation canadienne d’urgence (PCU)» et atteint un sommet durant la période des Fêtes, l’organisme vient maintenant en aide à un peu plus de 200 personnes chaque semaine, soutient son directeur général, Terry Batos.
«On veut avoir une voix pour ouvrir les yeux des dirigeants. C’est une chose, la pandémie, mais il y a l’après-pandémie qu’il va falloir voir. Il y a pas mal de problèmes qui ont monté durant ces deux années-là», avertit-il.
La précarisation de certains usagers s’observe aussi à l’Association bénévole Pointe-aux-Trembles/Montréal-Est, qui offre notamment de l’aide à l’épicerie. Selon la directrice générale de l’organisme, Louise Croussett, les listes des usagers, qui faisaient deux pages en début de pandémie, sont maintenant réduites à trois quarts de page. «Ils n’ont plus l’argent pour acheter.»
L’inflation est d’ailleurs un des éléments inquiétants sur le «radar» de la CDC de la Pointe, souligne son directeur général, Jonathan Roy. Il se dit d’ailleurs inquiet de l’augmentation du coût de la vie relevée par Statistique Canada: au Québec, de janvier 2021 à janvier 2022, l’indice de prix des aliments a augmenté de 5,6%, celui du logement de 4,8% et celui du transport de 9%.
Des besoins qui perdurent, des ressources qui font défaut
Mais si plusieurs organismes observent une croissance de la précarité dans la population, leurs ressources financières ou humaines sont souvent insuffisantes pour fournir certains services pourtant essentiels aux plus vulnérables.
«On fait du délestage. Je pourrais demain matin servir 350 familles», dit Terry Batos, mais le personnel, l’espace et le financement pour combler la demande alimentaire font défaut.
«La maltraitance a augmenté de façon importante envers les enfants» en pandémie, déplore pour sa part la directrice de 1, 2, 3 GO! Pointe de l’Île, Nathalie Otis. Mais l’organisme a perdu du financement. «On en arrive à être moins efficace, à moins répondre aux besoins.»
Le manque de ressources humaines est criant dans le milieu communautaire, mais aussi dans celui de la santé, souligne pour sa part Louise Croussett.
Tout le monde a besoin d’aide. Il faudrait des bras pour venir travailler dans l’est, pour soulager la souffrance mentale des gens et être capable de les prendre en charge adéquatement.
Louise Croussett, directrice générale de l’Association bénévole Pointe-aux-Trembles/Montréal-Est
Déconfinement: oui, mais…
Les mesures d’allègement annoncées récemment par le gouvernement québécois permettent toutefois la reprise d’activités dans certains organismes communautaires qui ont observé les effets néfastes du confinement sur le bien-être de plusieurs usagers.
«C’est 75% de notre clientèle qui est en résidence intermédiaire ou en résidence privée pour aînés (RPA)», ce qui signifie que certains sont restés jusqu’à un an et demi à l’intérieur sans pouvoir sortir, mentionne pour sa part Sylvie Rodrigue, directrice de l’Alternative, un centre de jour en santé mentale.
Mais, malgré le déconfinement, les impacts à long terme de la pandémie chez les jeunes inquiètent la CDC. «[Ils] ont des acquis au niveau social au quotidien. D’être privés de ça, ça fait en sorte qu’il y a un retard, une perte d’acquis, qui va sûrement se manifester dans les prochains mois», craint Jonathan Roy.
Après deux ans de pandémie, de changements constants dans les consignes et d’imprévisibilité, Mariepier Dufour, directrice de la Maison des jeunes de Pointe-aux-Trembles, est aussi préoccupée par la fatigue se manifestant chez des jeunes du quartier.
«C’est la première fois qu’on remarque de façon aussi palpable une espèce de lâcher-prise. Ils ne sont pas super investis ni ici, ni à l’école», s’inquiète-t-elle.