«On pourrait rester assis là et je vous raconterais des histoires d’horreur jusqu’à demain matin», lance Annie. Cette infirmière de 48 ans travaille depuis 12 ans à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Après avoir essayé des «multitudes de choses», elle n’y croit plus. Elle a donné sa démission pour décembre.
Bien que non syndiquée, Annie faisait partie de la centaine de professionnels de la santé qui s’étaient rassemblés ce jeudi devant l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à l’appel de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-Syndicat des professionnel(le)s en soins de l’Est-de-l’Île de Montréal (FIQ-SPSESTIM).
L’objet de cette manifestation était de «dénoncer la situation insoutenable que vivent les professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île de Montréal», expliquait la FIQ-SPSESTIM dans un communiqué.
«Il y a un réel problème de lits qui ne nous permet pas de monter les patients rapidement. On a perdu 136 lits dans l’est ces dernières années; cela a un effet direct sur les urgences», explique à Métro le président de la FIQ-SPSESTIM, Denis Cloutier.
Un constat que partage Annie, qui travaille justement dans ce service. «On a besoin d’énormément d’effectifs; il manque 20 à 30 infirmières le soir. Depuis la pandémie, 68 infirmières ont quitté les urgences», affirme-t-elle.
Problème de rétention de personnel
Les professionnelles en soin et les syndicats redoutent que les prochaines semaines soient «castastrophiques avec les débordements réguliers de l’urgence et la fermeture de nombreux lits d’hospitalisation à cause du manque de personnel», insiste la FIQ-SPSESTIM.
Selon Annie, cela fait déjà sept ans, soit depuis la réforme Barrette et la cure d’austérité, que ça ne va pas bien.
Quand j’ai commencé ici, il y avait une très belle qualité des soins. Elle s’est dégradée par manque de préposés et d’infirmières à plein temps plein
Annie, infirmière depuis 12 ans à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont
«Quand j’ai commencé ici, il y avait une très belle qualité des soins. Elle s’est dégradée par manque de préposés et d’infirmières à plein temps plein», analyse l’infirmière.
Il y a peu de temps, elle a dû demander au syndicat d’intervenir après avoir enchaîné un samedi et un dimanche à 16h de travail continu. «J’avais dormi trois heures au total», relate-t-elle.
La vocation se perdrait du fait des mauvaises conditions de travail. Le salaire et les horaires poussent de plus en plus d’infirmières à pousser la porte des CLSC et autres agences de santé plutôt que de rejoindre l’hôpital et ses services d’urgence en surcapacité.
«J’ai vu des jeunes en train de pleurer, on les met à des niveaux d’anxiété inacceptables. Je les aide, j’avais une belle équipe. […] Aujourd’hui, j’ai perdu beaucoup de mes protégés», poursuit la professionnelle de santé.
Beaucoup d’entre eux sont notamment parti en raison des heures supplémentaires obligatoires.
Un plan à venir
Ce que craignent les professionnelles, c’est que cette réalité qui touche les hôpitaux ait une grave incidence sur la santé des patients.
Ce que demande entre autres la FIQ, c’est une loi sur les ratios professionnels/patients, «pour travailler dans des conditions optimales et donner des soins sécuritaires à la patientèle», souligne Julie Bouchard, présidente de la Fédération.
Les «primes COVID» et mesures incitatives adressées aux personnels hospitaliers seront arrêtées. C’est dans ce cadre-là que la FIQ-SPSESTIM réclame au ministère de la Santé un plan immédiat afin de pouvoir «passer à travers l’été».
Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal assure qu’un plan de gestion des effectifs pour la saison estivale est en cours d’élaboration et sera présenté sous peu aux employés.
Il y voit également deux facteurs principaux à la situation actuelle. Le premier, c’est que l’hôpital Maisonneuve-Rosemont «dessert 26% de la population de Montréal mais a seulement 17% des lits disponibles pour l’ensemble du territoire». De plus, l’établissement reçoit un nombre d’ambulances «plus important que la quote-part prévue».
Outre le plan de gestion, le CIUSSS-EMTL indique que la livraison du nouvel hôpital, attendu dans environ 8 ans, devrait fournir 200 nouveaux lits. Sur le terrain, les professionnels et syndicalistes, eux, estiment que le Ministère et la direction vivent «dans un monde de licornes», à l’image de leur mascotte.