Le dernier Conseil d’arrondissement fut marqué pour la première fois depuis quatre ans par des tensions entre les élus. En cause, des motions, dont une sur le droit de vote par correspondance pour les personnes âgées de 70 ans et plus qui a été rejetée.
La demande a déjà été débattue au Conseil municipal. Elle était aussi à l’ordre du jour du Conseil d’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville du 8 juin. Les représentants de chaque parti, campés sur leurs positions, ne se sont pas fait de cadeaux.
«On est en train de dire aux plus vulnérables, malheureusement, vous ne pourrez pas voter. C’est inacceptable. Nous sommes en 2021, nous utilisons des technologies pour tout, mais nous ne pouvons pas le faire pour le vote par correspondance», s’insurge Effie Giannou, conseillère de Ville pour Bordeaux Cartierville, élue d’Ensemble Montréal.
Elle rappelle que plusieurs villes au Québec ont adopté cette disposition et il faudrait s’en inspirer.
«On vote sur cette question comme si on se prononçait sur un contrat. Est-ce qu’on se rend compte que l’on dit aux gens qui ne peuvent pas aller au bureau de vote, désolé, vous ne pourrez pas voter», s’interroge-t-elle.
La motion a été déposée avec Hadrien Parizeau, conseiller de Ville de Saint-Sulpice, actuellement élu indépendant et qui se présentera aux prochaines élections sous la bannière d’Ensemble Montréal.
Pour lui, depuis le début de la crise de la COVID, les personnes de 70 ans et plus sont considérées comme les plus vulnérables.
«Même pour les décès, ces gens sont surreprésentés dans la population. On a considéré qu’il y’a un traumatisme, une peur de sortir. Le droit de vote c’est très important et on veut qu’ils puissent l’exercer», illustre-t-il.
M. Parizeau refuse ainsi que l’on considère leur demande comme une démarche électoraliste, alors qu’il a été dit que ce bassin de population serait moins enclin à voter pour Projet Montréal.
Problèmes logistiques
Pour la mairesse de l’arrondissement, Émilie Thuillier, qui a voté contre la motion, la demande de l’opposition n’est pas réalisable pour des raisons techniques.
:«Ce n’est pas la mairesse qui a dit que c’est complexe et risqué, c’est le greffier de la Ville qui est venu nous expliquer pendant une heure pour demander aux élus de ne pas élargir le vote [par correspondance, aux 70 ans et plus]», rappelle-t-elle.
Elle a précisé que le vote postal sera ouvert aux résidents des CHSLD, aux patients en centres de réhabilitation ou aux personnes qui sont confinés sur ordre de la Santé publique. Ils peuvent en faire la demande et recevoir les bulletins par courrier et voter en les renvoyant par la poste.
«À Élection Montréal, ils doivent rayer manuellement les personnes qui ont voté par correspondance avant chaque jour de vote sur une seule liste électorale de 20 000 pages», plaide Mme Thuillier.
Ce seul enjeu menace l’intégrité des résultats. Si des bulletins ne sont pas traités, des contestations peuvent atterrir dans les tribunaux.
«S’ils doivent [à Élection Montréal] voir 50 000 votes par courrier, cela sera difficile, mais ils vont le faire. S’ils doivent en faire 200 000, ils ne sont pas certains de pouvoir y arriver», dit la mairesse.
Pour elle, les villes qui ont étendu le vote aux 70 ans et plus ne feront pas plus que ce que Montréal accomplit déjà en nombre de votant par courrier.
«On a décidé [à Projet Montréal] parce que le greffier de la Ville a dit que ce serait compliqué, que ce n’est pas possible. Pourtant, on s’est tourné très rapidement vers des solutions technologiques pour pouvoir accommoder les gens pour maintenir la participation citoyenne», observe pour sa part M. Parizeau.
Oui, mais…
Mme Thuillier assure que son parti n’est pas contre le vote par correspondance.
«Dans le mémoire que nous avons soumis au gouvernement du Québec quand ils ont fait des consultations sur la PL 85 [loi sur le vote aux municipales en pleine pandémie] on a dit dépêchez-vous pour nous donner les outils pour tenir un vote par correspondance élargi en 2025», mentionne-t-elle.
Elle évoque un seul bulletin de vote et une gestion électronique de la liste électorale, entre autres.
Sinon, elle est convaincue que les gens pourront voter en personne et ce sera aussi sécuritaire que d’aller faire son épicerie.
Bataille de procédure
Les élus d’Ensemble Montréal, Hadrien Parizeau et Effie Giannou ont demandé à déplacer leurs motions en début de séance du Conseil d’arrondissement. Le but était de permettre à un maximum de citoyen d’entendre les motions alors que le conseil se tenait en ligne.
Une demande refusée et battue lors du vote demandé par M. Parizeau.
Pour Émilie Thuillier, la mairesse, la procédure suivie est conforme à ce qui se fait à l’hôtel de ville et les motions déposées par les conseillers sont traitées en fin de séance.