Avec la venue du nouveau pont sur le Saint-Laurent, le site historique et archéologique Jacques Le Ber est menacé d’être détruit. Ce patrimoine qui regroupe des fondations de pierre datant du 17e siècle est aujourd’hui enseveli et pourrait être écrasé avec la construction d’une autoroute.
Actuellement, le site est protégé et remblayé avec une toile géotextile. Selon le directeur principal du projet du nouveau pont sur le Saint-Laurent pour Infrastructure Canada, Vincent Jarry, une autoroute passera sur le site patrimonial.
« On peut imaginer qu’à cet endroit l’autoroute n’aura pas de pilier. Je ne veux pas rentrer dans les détails du boulevard René-Lévesque quant à sa future disposition parce que nous n’avons pas les plans finaux, mais on peut présumer que l’autoroute va passer dans le secteur et on n’entrevoit pas de changements. »
Les fondations de pierre de cette ferme ayant appartenu à Jacques Le Ber (1633-1706) constituent un des plus vieux bâtiments construits pendant la colonisation française. Dans les années 1990, des fouilles ont révélés des vestiges du manoir, de la boulangerie et d’une étable.
Christian Gates St-Pierre, chercheur invité du département d’anthropologie de l’Université de Montréal soutient qu’il est important de conserver les sites archéologiques au Québec.
« Cela a toujours une valeur, parce que les sites sont différents et uniques même lorsqu’ils se ressemblent. Il n’y en a jamais deux pareils et il faut vraiment les apprécier pour la valeur de chacun comme témoignage unique. Des sites de cette époque il n’y en a pas beaucoup et si on les détruit sans les documenter, on ne peut pas y retourner. »
Alain Bossé, membre du Patrimoine Naturel et Urbain de Montréal (PNUM), est un de ceux qui défendent la conservation de la ferme Le Ber. Les membres du PNUM sont d’ailleurs inquiets quant à l’avenir du site. « Ce qu’on nous raconte c’est que pour des raisons de géométrie on doit déplacer le boulevard René-Lévesque sur le site. Quand tu fais une route, tu dois creuser et ça risque de détruire les fondations. »
Pour ce qui est de la protection des vestiges, M. Jarry affirme qu’on ne leur « a jamais demandé de protéger le site au-delà de faire des fouilles archéologiques pour être certain de ne pas perdre le patrimoine historique. »
Il ajoute qu’actuellement, ils investissent « beaucoup d’effort et de temps pour s’assurer que les fouilles archéologiques soient faites dans les règles d’or de la science. À l’automne 2014, on l’a fait dans la transparence. Les Mohawks ont participé ainsi que le ministère de la Culture et des Communications et l’arrondissement de Verdun. »
Pour les membres du PNUM, il est impératif de ne pas détruire ce qui est sous terre. « Nous avons parlé avec des archéologues et historiens et ils soutiennent ce point. Il reste très peu de choses de cette époque. Le lieu, la signification et la configuration sont importants. Il n’y a pas de raisons de détruire ça. »
Vestiges historiques
Alain Bossé raconte qu’il y a eu quelques fouilles depuis 1969 sur le site de la ferme Jacques Le Ber. « Ces dernières ont permis de révéler des choses intéressantes : de la poterie et toutes sortes d’artéfacts. Nous avons déposé une demande de protection patrimoniale au ministère de la Culture et des Communications. »
Les artefacts trouvés au cours de l’été dernier par Infrastructure Canada et ses chercheurs sont sécurisés par une firme archéologique et seront transférés à la Ville de Montréal. M. Jarry explique que le rapport final concernant les objets trouvés par la firme sera dévoilé au cours des prochaines semaines.
Il rappelle que dans les années 1980, à 350 m du site Le Ber, des artéfacts amérindiens ont été trouvés. « Ce n’est pas dans notre zone de recherche, mais nous avons porté une attention particulière sachant que nous en avons trouvé non loin. Soyons clair, il n’y a pas de reste humain ou de restes de la communauté Mohawk sur le site Le Ber. C’était une ferme de la fin du 17e siècle. Ce sont plutôt des artéfacts liés à cette famille et des gens autour.
M. Bossé rapporte qu’à cette époque, Jacques Le Ber était un des plus importants commerçants de la Nouvelle-France et qu’il a joué un rôle très important dans la traite des fourrures.
« On a conservé une maison de lui à Québec et il a son poste de traite à La Salle. Il est le père de Jeanne Le Ber qui est la Maurice Richard de la congrégation Notre-Dame. Le deux tiers de l’Île-des-Sœurs lui a appartenu. »
Outre le fait de ne pas détruire les fondations, le PNUM demande à ce qu’il y est une reproduction du site ailleurs dans un parc de l’Île-des-Sœurs. Infrastructure Canada n’écarte pas cette possibilité.
« Notre volonté est de faire un relevé scientifique du site et un relevé en trois dimensions des structures de la ferme. Notre recherche va permettre de faire des reconstitutions du site, mais cette décision ne nous appartient pas. »