Depuis l’ouverture du centre Ullivik sur l’avenue Orly il y a deux ans, des familles résidant tout à côté ont vu leur environnement se dégrader, au point de ne plus vouloir sortir leurs enfants jouer près de chez eux.
«C’était le coin le plus calme de Dorval, c’est maintenant devenu un enfer», soupire une voisine, qui préfère garder l’anonymat, tout en ramassant une canette de bière jonchant le sol.
Depuis plus de 20 ans, elle vit sur l’avenue O’Connell, à quelques minutes à pied du centre qui offre l’hébergement aux Inuits du Nunavik qui voyagent dans la métropole pour recevoir des soins de santé.
Ce quartier est une zone mixte industrielle et résidentielle, où se côtoie une dizaine de familles.
«On a commencé à voir des gens boire, uriner dans la rue, ou même avoir des relations sexuelles dans le parc en face de chez nous», s’indigne Judith Gélinas. La mère de deux enfants de 8 et 10 ans n’ose plus aller faire du sport ou emmener ses enfants jouer dans le seul espace vert que dispose ce quartier.
Pour sa première année d’opération, le centre de 91 chambres a notamment répertorié 1400 cas d’intoxication, 138 cas de comportement problématique, 20 cas de violence, 12 disparitions ou fugues et 2 agressions sexuelles. On note aussi le décès d’une résidente intoxiquée, écrasée en décembre par un camion dans le stationnement d’un garage adjacent.
Ces données ont été présentées au gouvernement régional du Nunavik à la fin de l’année dernière et relayées dans le journal local Nunatsiaq News.
Des situations que dénonce Mme Gélinas. Elle appelle souvent la police pour des trafiquants de drogues qui transigeraient devant chez elle. Elle soupçonne que des jeunes inuits pourraient aussi s’adonner à des activités illégales, alors qu’elles embarquent dans des voitures louches tard le soir.
«Concernant le trafic de drogue, on a vu des gens se déplacer du centre-ville pour profiter de la vulnérabilité des personnes dans ce quartier, on a déjà fait des arrestations», explique Marc-André Dorion, le commandant du poste de quartier 5 du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Nouveau bar
L’ouverture récente du bar Archies, à l’intersection des avenues Marshall et Michel-Jasmin, a été la goutte qui a fait déborder le vase pour une propriétaire, qui songe même déménager.
Selon elle, plusieurs Inuits intoxiqués traverseraient sans prêter attention aux voitures et le bar ne ferait qu’accentuer le problème.
«Je suis inquiète de conduire, il n’y a aucune sécurité pour éviter un possible drame, j’entends souvent les voitures freiner brusquement. Un jour, il y aura une personne qui se fera happer», s’inquiète la Dorvaloise.
Même si M. Dorion ne considère pas la zone accidentogène, il envisage éventuellement d’ajouter un panneau d’arrêt.
Parc insalubre
Au cours des dernières semaines, Mme Gélinas a contacté le 911 pour une femme intoxiquée et inanimée devant chez elle ainsi que pour une bagarre entre deux Inuits dans le parc tout à côté.
«J’ai appelé la police de nombreuses fois pour des différents incidents, ils viennent pour disperser les groupes, mais la situation recommence chaque fois», ajoute-t-elle.
Cet espace vert est le seul que les familles ont aux alentours, il est entre l’avenue Marshall et l’Avenue Michel Jasmin. De plus, des sachets de drogues vides, des bouts de verres brisés et des mégots par centaines tapissent le sol malgré le fait que la Cité de Dorval assure l’entretien quotidiennement.
La police assure que des équipes patrouillent le secteur de jour comme de soir. «L’éclairage a été amélioré, certains buissons ont été coupés et des enseignes dans leur langue ont été installées», précise le commandant Dorion.
Il prévoit une rencontre avec la Ville de Montréal et la Cité de Dorval pour coordonner les efforts d’entretien.
La semaine prochaine, deux policiers du PDQ 5 se rendront dans le Grand Nord. «Cela nous permet de savoir comment encore mieux intervenir auprès des gens de cette communauté», ajoute-t-il.
Le maire de Dorval, Edgar Rouleau, assure faire le maximum pour améliorer la situation, mais que c’est au centre Ullivik de trouver des solutions. «Ils doivent prendre le contrôle de leur clientèle, nous n’avons pas la liste de leurs résidents», souligne M. Rouleau.
La directrice du centre Maggie Putulik, jointe par le Messager Lachine & Dorval, n’a pas répondu nos questions.