L’ex-avocate primée Joanne Granger a dû vaincre des perceptions misogynes pour faire carrière dans le monde du droit. À la veille de la Journée internationale des femmes, portrait de cette retraitée toujours vouée à la défense de l’intérêt public.
Dans les années 1970, lorsque la Lavalloise débutait ses études, les juges dénigraient les femmes qui se présentaient en cour. «Elles étaient comme des chiens dans un jeu de quilles, résume-t-elle. Les avocats se faisaient appeler maître et les avocates, mademoiselle.»
Habitée par le syndrome de l’imposteur, elle entame ses études à l’Université Laval, où les étudiants débordant de confiance l’intimidaient. «Je me demandais si j’avais choisi la bonne branche», avoue-t-elle.
En réalisant que, malgré sa timidité, elle était première de classe, Mme Granger commença à prendre sa place. «Je me suis dit: tu as toujours voulu être avocate, tu es bonne là-dedans, alors il faut que tu fonces», se souvient-elle.
Me Granger obtient donc son Barreau, accréditation nécessaire pour pratiquer, et lance son étude privée en droit civil. Ses résultats scolaires lui auraient permis d’être embauchée dans un grand cabinet, où son salaire aurait été beaucoup plus élevé, mais elle avait le sentiment que cette structure l’aurait empêchée de s’accomplir pleinement.
«Tout ce que je voulais, c’était d’aider la communauté, raconte la retraitée. Faire gagner des millions de dollars à des entreprises privées, ça ne m’intéressait pas.»
Fière
Neuf ans plus tard, Joanne Granger délaisse sa pratique pour se joindre au Service des poursuites pénales du Canada, l’autorité nationale en matière de justice, où elle devient procureure en droit criminel.
Son travail était notamment d’enquêter et de plaider devant diverses instances dans des dossiers d’alcool, de drogue de contrebandes ou de fraude. Elle a œuvré pendant sept ans à l’inculpation de l’ex-avocat Pierre Boivin, qui a été incarcéré pendant trois ans et demi pour blanchiment d’argent.
«Quand je pouvais sortir quelqu’un qui fraudait de la circulation, c’était toujours gratifiant», admet avec un large sourire celle qui vit à Lachine depuis près de 15 ans.
Son excellence l’a également menée à être présidente du Comité des infractions du Barreau de Montréal, où elle jugeait les individus qui pratiquaient le droit illégalement. Me Granger a ensuite pris la présidence du Comité de révision des plaintes, qui revoit les requêtes rejetées par le syndic du Barreau, l’instance de discipline des avocats.
Compte tenu de son expertise, elle a été appelée à offrir des formations à des juges et à des juristes lors de deux voyages au Gabon, en Afrique.
Tous ses engagements ont été soulignés par le Barreau de Montréal en 2007, qui lui a décerné le Prix Pierre-Fournier pour sa contribution exceptionnelle. «Ça m’a fait chaud au cœur», avoue la mère d’un jeune homme de 27 ans.
Au suivant
Depuis qu’elle a accroché sa toge en 2016, Joanne Granger trouve encore des manières de s’impliquer dans la communauté en tant que coordonnatrice de l’Association locale de l’arrondissement de Lachine, un groupe d’influence assurant la promotion d’enjeux locaux.
Les questions liées au transport l’intéressent particulièrement. «J’aimerais vraiment qu’on réussisse à faire avancer cette fameuse ligne rose», souligne-t-elle.
Dans ce nouveau rôle, elle garde la même mentalité, qu’elle conseille aux jeunes avocates d’adopter. «Ne changez pas votre personnalité. N’avez pas peur d’être vous-même et assumez-vous», insiste-t-elle.
Des conseils que mettra en pratique sa nièce, qui a choisi de suivre ses traces en devenant avocate. La communauté du droit est beaucoup plus accessible aux femmes aujourd’hui, constate Me Granger.