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Merci, Chantale Daigle 

Éléonore Loiselle tient le rôle-titre de la nouvelle série «Désobéir: le choix de Chantale Daigle». Photo: Yan Turcotte

Pour la Journée internationale des droits des femmes, Crave livre le premier épisode de la percutante série Désobéir: le choix de Chantale Daigle, réalisée par Alexis Durand-Brault. Chantale Daigle, cette femme qui, du haut de ses 21 ans, s’est rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada pour défendre son droit à l’avortement, et dont le nom mérite d’être connu aussi des plus jeunes.  

Pas très fan de la lumière des projecteurs, Chantale Daigle, qui aurait aujourd’hui quatre enfants et changé d’identité, est retournée dans son anonymat peu après avoir publié un livre sur son expérience. L’ouvrage, additionné des plumitifs, des archives médiatiques ainsi que du bouquin écrit par son ex et opposant dans sa bataille judiciaire, Jean-Guy Tremblay, a servi de matériel aux deux scénaristes, Isabelle Pelletier et Daniel Thibault.  

Peut-être justement parce qu’elle a quitté la vie publique il y a 30 ans, Chantale Daigle – qui n’a pas collaboré à la série, mais a donné sa bénédiction – est méconnue des plus jeunes. C’est en partie la volonté de transmettre ce segment de l’histoire qui a motivé la coproductrice Sophie Lorain à se lancer dans le projet, a-t-elle expliqué lors d’une rencontre avec les médias, mardi. 

Être en beau joualvert 

Incarnée dans la série par la polyvalente et très investie Éléonore Loiselle, Chantale Daigle fait face à une quantité hallucinante d’obstacles pour avoir le droit de faire ce qu’elle souhaite de son corps. Son ex, un pauvre type très justement joué par Antoine Pilon, est bien sûr en tête de liste, soutenu par les adeptes du mouvement pro-vie, qui se sont vite saisis de l’affaire, payant entre autres pour les procédures légales de Jean-Guy Tremblay. Celles-ci ont commencé par une injonction provisoire pour empêcher l’avortement – y désobéir pouvait équivaloir à deux ans de prison ou à une amende de 50 000 $.   

Antoine Pilon incarne Jean-Guy Tremblay. Photo: Yan Turcotte

Mais c’est tout un système qui s’oppose à la volonté de la jeune femme. L’accès limité à l’avortement la contraint à se rendre à Sherbrooke, à huit heures de route de la maison de son père à Chibougamau, si elle veut interrompre sa grossesse après 12 semaines. Et même si la procédure est décriminalisée depuis un an à ce moment-là, une simple injonction peut transformer son ventre en bombe à retardement.  

Ajoutez à cela les frais juridiques qu’elle ne peut assumer, la pression médiatique, les neuf heures de route qu’il faut faire pour aller à son procès à Val-d’Or, les interrogatoires coriaces et le manque d’éducation de cette jeune serveuse dans un Giorgio’s de l’est de l’île. Ça donne le tournis, mais ce n’est rien à côté des mots d’un juge qui a le culot d’affirmer qu’un fœtus a plus de droits qu’une femme, d’autant plus que c’est encore de nos jours la position des pro-vie.  

Heureusement, des militantes se sont organisées comme de véritables espionnes pour aider Chantale Daigle, qui a bien saisi à un certain stade que son combat était devenu plus grand qu’elle. Ces femmes, qui ont risqué beaucoup pour l’aider à avorter à Boston, ont collaboré à la production pour faire partager leurs récits. Dans la série, elles apparaîtront à compter du troisième épisode.  

Une affaire de violence conjugale 

La violence conjugale subie par Chantale Daigle lors de sa brève relation avec Jean-Guy Tremblay est au cœur de la série, alors qu’elle avait été plutôt occultée à l’époque. L’avocat de la jeune femme avait effectivement pris la décision de ne pas miser sur cet aspect, d’abord parce qu’il avait réalisé que ça risquait de jouer contre elle en interrogatoire, mais aussi pour ne pas réduire le désir d’avorter à cette raison.  

Il y a aussi le fait que la définition de la violence conjugale n’est pas la même en 2023 qu’en 1989. Chantale Daigle disait qu’elle se faisait «brasser la tomate», mais la violence qu’on voit à l’écran est pernicieuse. Jean-Guy Tremblay lui ment, la harcèle, la manipule, l’isole, la prive de revenus, la contrôle et la menace. «On va finir dans le Allô Police, toi pis moi», lui crie-t-il.  

Une trentaine d’années plus tard, on est indéniablement dans une autre époque. On a dit adieu aux mises en plis des années 80, on saisit mieux que la violence conjugale ne se limite pas aux coups et, surtout, il n’y a présentement pas un agrès qui peut aller jusqu’en Cour suprême pour dire à une femme quoi faire de son propre corps. Pour ça, on doit remercier Chantale Daigle.  

Un nouvel épisode de Désobéir: le choix de Chantale Daigle sera rendu disponible sur Crave tous les mercredis. Le 12 avril, en plus du dernier épisode de la série, la plateforme proposera L’affaire Chantale Daigle – le documentaire, réalisé par l’équipe de Noovo info. 

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