Près de trois mois après la publication d’une étude sur la pollution de l’air à Dorval, rien n’a été fait par les autorités compétentes pour examiner le taux de particules de carbone noir.
Au dernier conseil municipal de Dorval, plusieurs résidents ont fait part de leurs inquiétudes quant à ce taux très élevé de particules de carbone noir dans l’air. Le maire, Marc Doret, a assuré être en contact fréquent avec Aéroports de Montréal (ADM), et avoir soumis une demande d’étude approfondie à Transports Canada. Mais ces derniers n’ont pas encore répondu, et les discussions avec ADM prennent du temps.
«Pour le moment, je travaille avec ADM pour comprendre les données et comment ça pourrait affecter les résultats de Dorval», a expliqué le maire. ADM n’a pas répondu à notre demande de commentaire.
La tension monte
Murray Levine, ancien résident de Dorval, affirme avoir dû déménager à cause de la mauvaise qualité de l’air. Au dernier conseil municipal, il s’est indigné que le maire n’ait pas contacté Environnement Canada et Santé Canada pour une étude approfondie sur le sujet. L’ancien résident soutient même que «Marc Doret n’est pas la personne qualifiée pour traiter ce dossier».
Le maire se défend en soulignant qu’il a «besoin de plus d’informations avant de créer de la panique».
D’après lui, les chiffres énoncés dans l’étude menée par la professeure au Département de chimie de l’Université McGill Parisa Ariya sont spectaculaires, et «plus alarmistes qu’autre chose». «On a besoin d’avoir de vraies études sur différentes périodes de l’année, sur plusieurs années, et sur l’importance des BCP [particules de carbone noir, NDLR]», soutient le maire.
Des accusations de longue date
La chercheuse Parisa Ariya, qui s’intéresse à la pollution de l’air et à la pollution sonore sur l’île de Montréal depuis plusieurs années, a publié sa dernière étude le 1er avril 2022. Elle explique qu’à Dorval, dans les quartiers résidentiels proches de l’aéroport, le taux de pollution est quatre fois plus élevé que dans le centre-ville de Montréal.
De plus, le taux de particules de carbone noir, reconnues comme étant nocives pour la santé, serait très élevé aux abords de l’aéroport Pierre-Eliott-Trudeau, bien plus qu’autour des plus grands aéroports de Toronto ou de Vancouver. Cette différence serait due en partie au climat plus froid de Montréal. Avec la neige et les températures basses, les particules en question ne montent pas avec la chaleur, mais descendent et s’incrustent dans la neige et le sol.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la chercheuse a quelque chose à reprocher à ADM. Le collectif Les Pollués de Montréal-Trudeau a soumis une première action collective à la suite d’une étude sur la pollution sonore en 2017, et une deuxième en 2020 sur la pollution de l’air.
Trois ministères fédéraux sont mis en cause dans ces actions collectives: Transports Canada, Environnement Canada, et Santé Canada. Mais «le procès n’a toujours pas eu lieu», précise le porte-parole du collectif, Pierre Lachapelle.
Une pétition demandait déjà que les populations concernées fassent l’objet d’un bilan épidémiologique, et que les aéroports soient soumis à des études d’impacts complètes, ainsi qu’à l’examen du Vérificateur général du Canada chaque année.
Une gestion qui interroge
Depuis 1992, la gestion des aéroports canadiens est assurée par des organismes privés, qui ne produisent aucun bilan ni vérification, d’après M. Lachapelle.
L’aéroport international de Mirabel, qui avait été construit en 1975, a vu une majorité de ses vols être basés à Dorval dès 1996. Le plus moderne des deux aéroports a officiellement été fermé en 2005.
La chercheuse de l’Université McGill et le collectif citoyen soutiennent que l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau est trop utilisé étant donné sa proximité avec les quartiers résidentiels. Ils demandent que les vols soient à nouveau basés à l’aéroport international de Mirabel, loin des habitations.
Des études sur les effets de ces polluants sur la santé doivent encore être conduites pour attester de leur dangerosité sur la santé humaine. Depuis 2015, les Pollués de Montréal-Trudeau restent sans réponse quant à leur demande d’une étude épidémiologique sur les effets de la pollution au ministère de la Santé du Québec.