Lachine

Dominion Bridge: des vestiges de l’ère industrielle menacés

L’usine qui a bercé pendant plus de cent ans la population de Lachine au son de la machinerie lourde est maintenant menacée. Aucune loi ne protège les édifices du patrimoine industriel à Montréal, ce qui signifie que rien n’empêcherait un futur promoteur de démolir les bâtiments de la Dominion Bridge pour y construire des condos et des maisons de ville.

« Pour des gars comme moi, qui ont considéré cet endroit comme leur deuxième maison, il n’y aura plus nulle part où aller. Nos souvenirs, notre histoire, tout est entre ces murs », déplore David Carrier, le fils du propriétaire et gardien de l’usine.

Bien qu’il admette que Lachine-Est mérite d’être reconstruit pour retrouver l’effervescence qui animait le quartier dans les années 30, l’idée que rien ne serait préservé de cette époque l’inquiète.

« Au-delà de la brique, il y a la trame historique de l’endroit. Même si on préserve l’extérieur et on construit des condos, il n’y aura pas d’espace public où les gens pourront aller rendre hommage à l’exploit humain des lieux », explique la conseillère d’arrondissement, Maja Vodanovic, faisant référence aux nombreux ouvrages bâtis par la compagnie

Espoir
D’autres citoyens s’intéressent à l’avenir de l’ancienne usine. Certains auraient démontré un intérêt pour développer un musée ou une école, mais tous ces projets sont encore à l’étape d’ébauche. Les coûts d’acquisition du site seraient une entrave majeure.

« Nous avons comme objectif de conserver ces bâtiments, mais obtenir le classement patrimonial pour des édifices industriels est très difficile », continue Mme Vodanovic.

En avril, le maire de Montréal, Denis Coderre, a lancé une concertation afin d’élaborer un plan de mise en valeur du patrimoine montréalais.

« L’exercice que nous lançons vise à définir des actions concrètes pour améliorer la qualité du cadre de vie des Montréalais, tout en stimulant la création de richesses collectives. Au-delà du rayonnement de notre héritage culturel, il est de notre devoir de préserver l’histoire et l’identité patrimoniale que nous lèguerons aux générations futures », avait alors affirmé le maire.

Le projet visera, entre autres, à identifier et reconvertir les immeubles publics patrimoniaux ou à caractère significatif dont la vocation est incertaine. La gestion des bâtiments privés, comme c’est le cas de la Dominion Bridge, est aussi à l’étude.

Le rapport qui ressortira des ateliers sera rendu public à l’automne et un plan d’action de cinq ans devrait en découler.

L’usine qui a bâti un pays
Là où la rue Notre-Dame s’arrête, à Lachine, débute un long chapitre de l’histoire du Canada. S’érigent alors les murs des édifices et hangars de la Dominion Bridge où ont été construits rails de chemins de fer et structures de ponts qui ont mené au développement et l’enrichissement du pays.

C’est en 1882 que la Dominion Bridge Company Limited a vu le jour. Job Abbott, ingénieur civil et vice-président de la compagnie américaine Wrought Iron Bridge à l’époque, avait choisi Lachine pour y installer sa toute nouvelle usine de fer et d’acier. Avec du métal importé d’Angleterre, il assura la construction du pont de LaSalle, le premier pont québécois en acier, commandé par le Canadien Pacifique. Encore traversée quotidiennement par de nombreux véhicules, la structure peut être aperçue, au loin, depuis le toit de l’ancienne fabrique.

Au fil du temps, l’insigne de la Dominion a aussi été forgé sur la plupart des structures métalliques du pays, dont le pont Pierre-Laporte et le pont Jacques-Cartier. L’usine a aussi fourni des pièces pour le Golden Gate et plusieurs structures de gratte-ciel à travers le monde.

À son apogée, près de 8000 employés y forgeaient le métal. Le quartier industriel qui s’était construit autour de ce moteur économique, vibrait des 30 000 travailleurs qui y avaient trouvé un gagne-pain.

Son carnet de commandes a décliné une fois que les édifices destinés aux Jeux olympiques de 1976 à Montréal ont été complétés. Les activités ont été relancées à la fin des années 90 par le Groupe ADF de Terrebonne pour ensuite s’arrêter définitivement en 2003, à la suite de l’effondrement du marché de l’acier.

Aujourd’hui, ce qui est devenu Lachine-Est est presque déserté et VillaNova prévoit ériger une nouvelle ville sur les ruines de l’ancien quartier.

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