L’agglomération de Montréal est toujours très loin des objectifs provinciaux en matière de récupération des déchets organiques. Les arrondissements de l’est font particulièrement piètre figure, la plupart étant en deça de la moyenne montréalaise.
C’est ce qui ressort du bilan 2017 des matières résiduelles de l’agglomération de Montréal, déposé le jeudi 5 septembre au comité exécutif de la Ville de Montréal.
Les arrondissements de Montréal-Nord, Saint-Léonard, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et d’Anjou, tout comme la ville de Montréal-Est, ne récupèrent qu’entre 10% et 19% de leur matière résiduelle organique.
Seul Rivière-des-Prairies-Pointes-aux-Trembles (RDP-PAT) dépasse la moyenne métropolitaine de 23%, en atteignant un taux de récupération de 28% de ses matières putrescibles.
Or, la métropole aurait dû, selon le plan d’action du gouvernement provincial, recycler 60 % des matières organiques dès 2015. Cet objectif avait déjà été repoussé à 2025 par la Communauté Métropolitaine de Montréal (CMM) lors de l’adoption de son Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles 2015-2020, entrée en vigueur le 28 janvier 2017.
Seules trois villes liées de l’ouest, Beaconsfield, Baie d’Urfé et Senneville, ont atteint l’objectif gouvernemental sur l’île.
La progression est toutefois constante : le taux de récupération des matières organiques était de 20 % en 2016, un chiffre qui avait doublé par rapport à 2010.
Une situation explicable
Selon Francesco Miele, conseiller de Saint-Laurent pour Ensemble Montréal et porte-parole de l’opposition en matière d’environnement à la ville de Montréal, il est primordial de ne pas perdre de vue le fait que Montréal a rapatrié la compétence pour tout ce qui touche les matières résiduelles depuis seulement 2 ans.
« Lorsque l’administration s’est dotée de son plan pour uniformiser et répandre tous les services, les arrondissements étaient alors gestionnaires de leurs propres contrats et de leurs cibles », explique-t-il. Certains contrats étaient toujours en vigueur, et les matières organiques sont ajoutées lors des nouveaux appels d’offre une fois les contrats échus. « 2017 était une année de transition. »
Il dit souhaiter qu’il y ait une volonté réelle de l’administration Plante à améliorer la situation. « Il ne faut pas se leurrer, dans les 6 derniers mois, au conseil, on s’est déchiré sur l’adjudication de contrats, et la gestion des matières résiduelles souffre. La ville doit y mettre davantage d’efforts et de structure. »
Il déplore que certains contrats aient dû être accordés « à minuit moins une » afin d’éviter une coupure de service, sans « avoir l’assurance que la Ville ne se fait pas avoir dans ce marché en changement ».
Des chantiers pour atteindre l’objectif
Pour atteindre l’objectif national, Montréal a mis en place une stratégie montréalaise d’implantation de la collecte des résidus alimentaires 2015-2019, qui vise à desservir l’ensemble des unités d’occupation de 8 logements et moins sur le territoire montréalais.
La vérificatrice générale de la métropole, Michèle Galipeau, soulignait lors de son dernier rapport, déposé en juin dernier, qu’il était « impératif » que la ville desserve une proportion plus importante d’habitations de 9 logements et plus, bien que le plan de la CMM ne l’oblige pas.
Un avis que partage Charles Séguin, professeur au Département des sciences économiques de l’ESG UQAM et membre de l’Institut des sciences de l’environnement, qui souligne que la ville ayant comme volonté de densifier des secteurs, « il ne faudrait pas que toutes les nouvelles constructions d’habitation soient exclues des services ».
Le spécialiste convient toutefois que cela pose des enjeux d’aménagement et de collecte. « Il y aura une quantité plus importante de déchets au même endroit, et on ne pourra utiliser les même bacs »
De plus, selon lui, certains secteurs de Montréal ne peuvent se permettre de faire comme certains endroits en régions, où on élimine la collecte d’ordures une semaine sur deux, pour la remplacer par une collecte d’ordures organiques. « C’est possible quand les gens peuvent garder les déchets un peu plus longtemps, quand il y a peu de densité de population. »
Mme Galipeau avançait également que la ville devait inclure non seulement les matières organiques générées par le secteur résidentiel, mais également celles générées par les institutions, commerces et industries.
Charles Séguin croit toutefois que « les enjeux de salubrité seraient alors décuplés dans les secteurs commercial et institutionnel, les volumes générés sont beaucoup plus importants, chez les restaurateurs par exemple ».
Pour faciliter la mise en place de telles mesures, le professeur propose à la Ville différentes solutions, telles une taxes sur le volume de déchets produits, ou encore une compensation si l’entreprise composte. « En pensant à substituer la façon dont les revenus sont gérés, cela serait plus facile à mettre en place et de convaincre les entreprises. »
Soulignons enfin que cinq centres de traitements des matières organiques seront également construits sur le territoire. La mise en service de trois d’entre eux est prévue en 2020.
« Il y a un effet de “pas dans ma cour”, en partie à cause de la peur de l’odeur, et on a dû changer les lieux de ces centre plusieurs fois », ajoute M. Séguin, qui souligne que peu d’entreprises ont l’expertises pour de telles constructions, donc qu’il y a peu de soumissionnaires.
La Ville est encore à ce jour contrainte d’envoyer des matières résiduelles à l’extérieur. « Je sais que l’on s’inquiète aussi du volume de camionnage avec l’implantation de ces nouveaux centres, mais lorsqu’ils seront en opération, les matières vont moins voyager, et ce sera positif et pour les coûts, et pour l’environnement », ajoute le chercheur qui voit l’arrivée de ces centre d’un bon œil.
Les autres matières : une meilleure note
Les données liées à la collecte des matières recyclables et des matériaux secs et encombrants se rapprochent davantage des objectifs du gouvernement du Québec.
La Ville de Montréal-Est récupère 48% de ses matières recyclables, alors que les arrondissements d’Anjou, Montréal-Nord, Saint-Léonard, de RDP-PAT et de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve obtiennent des résultats variant entre 53% et 61%.
Au niveau du territoire de l’agglomération, le taux de récupération s’établit à 60,5 %, soit à moins de 10 % de l’objectif gouvernemental qui est de 70 %.
L’Est est également près de l’atteinte des cibles quant à la récupération des matériaux secs et encombrants, RDP-PAT ayant même dépassé l’objectif québécois d’un taux de 70%. Les autres arrondissements récupèrent entre 55% et 63% de ces matériaux.
Montréal-Est ferme encore une fois la marche avec un résultat de 44%, loin derrière la moyenne de l’agglomération qui s’établit à 68%.
Selon Charles Séguin, bien que les cibles pour les déchets organiques ne pourront être atteintes pour 2020, et difficilement pour 2025, tout n’est pas noir. « On a encore davantage de matières éliminées au dépotoir que recyclées, mais la tendance est claire sur les 5 dernières années : la récupération, tous types de matières confondues, est en croissance chaque année. On se rapproche du 50-50. »
Taux de récupération des matières organiques dans l’est de Montréal
Anjou
2016: 8%
2017: 11%
Différence: +3%
Mercier-Hochelaga-Maisonneuve
2016: 12%
2017: 19%
Différence: +7%
Montréal-Est
2016: 9%
2017: 10%
Différence: +1%
Montréal-Nord
2016: 11%
2017: 14%
Différence :+3%
Rivière-des-Prairies-Pointes-aux-Trembles
2016: 27%
2017: 28%
Différence: +1%
Saint-Léonard
2016: 11%
2017: 15%
Différence: +4%