Montréal-Nord

Le «durag» a la cote à Montréal-Nord

L’affiche publiée sur l’une des portes de l’école secondaire Calixa-Lavallée, qui montrait cinq jeunes noirs portant un durag, avait suscité l’indignation sur les réseaux sociaux.

De plus en plus de jeunes Nord-Montréalais s’affichent ornant le «durag», couvre-chef fréquemment porté par les jeunes issus des communautés noires. Décrié par les uns, le durag est aussi le marqueur d’une identité culturelle pour les autres.

« C’est vraiment un phénomène de mode, et ça revient de plus en plus depuis 2018, explique Philippe Denis, chargé de cours à l’école supérieure de mode de l’UQAM. On le voit de plus en plus sur les réseaux sociaux, car plusieurs vedettes comme Rihanna ou Beyoncé l’ont porté au cours des dernières années. Cette sacralisation du durag par des personnalités aussi populaires a contribué à l’engouement qu’il suscite dernièrement. »

Le phénomène n’échappe pas à Montréal-Nord, où beaucoup de jeunes de l’arrondissement semblent l’avoir adopté, au point que l’école secondaire Calixa-Lavallée décidait le mois dernier d’accrocher une affiche énonçant son interdiction au sein de l’établissement.

« Tous les couvre-chefs sans distinction sont interdits dans les espaces de Calixa-Lavallée, se défend Valérie Biron, directrice ajointe secrétariat pour la Commission scolaire de la Pointe-de-l’île. Il n’est pas inhabituel que l’école ait recours à ce type d’affichage pour rappeler à ses 1700 élèves les règles lorsqu’elle constate un relâchement. »

Si l’établissement évoque un simple rappel au règlement interne, d’autres y voient une forme de stigmatisation du durag en particulier.

« Il y a des personnes qui arrivent dans l’école avec d’autres chapeaux ou casquettes, et on les embête moins que lorsqu’on porte un durag, explique Keyanna, étudiante au secondaire à Henri-Bourassa, établissement où les couvre-chefs sont également interdits. S’ils nous voient arriver avec, ils vont nous suivre jusqu’à notre casier pour nous dire de l’enlever. »

Même son de cloche chez Tayheed, également étudiant au secondaire, qui estime de son côté que le grand public garde encore une mauvaise perception du durag.

« Les gens pensent encore qu’il est affilié aux gangs de rues, souligne le jeune homme. Pour nous, c’est juste un accessoire de mode ou un moyen de protéger nos cheveux après un traitement capillaire. »

Face aux interrogations concernant l’affiche de Calixa-Lavallée, qui montrait en outre cinq personnes noires portant le durag, celle-ci a finalement été retirée par l’école au profit d’une affiche plus générale, avec des personnes aux profils différents et portants tous types de couvre-chefs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une symbolique culturelle forte
« Les premières traces que l’on voit apparaitre du durag, c’est au 19e siècle, durant la période esclavagiste au sud des États-Unis, raconte Philippe Denis. Il n’avait pas du tout la même forme qu’aujourd’hui, à l’origine, il était utilisé par les femmes noires pour éviter que leurs cheveux ne s’assèchent au soleil, car durant l’esclavage, les femmes noires n’avaient pas le droit de prendre soin de leurs cheveux. »

Le chargé de cours à l’école de mode de l’UQAM explique en outre que la mauvaise réputation dont pâtit encore le durag ne date pas d’aujourd’hui.

« Il est devenu un moyen de revendication et de contestation de la communauté afro-américaine vers la fin des années 60, précise Philippe Denis. Il sera ensuite repris dans les années 90 par les mouvements hip-hop émergents, et dès lors, il souffrira d’une mauvaise réputation par la population caucasienne. »

Le 21 février dernier, des lycéens de Pasadena en Californie manifestaient pour protester contre l’interdiction du port du durag dans leur établissement.

« Désormais, il y a des déclinaisons de toutes les couleurs, et de plus en plus de personnes en portent, explique TayHeed. On est rendu en 2019, il serait peut-être temps que les gens commencent à s’y habituer. »

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