Des étudiants aux cycles supérieurs en archéologie de l’Université de Montréal feront un voyage dans le temps cet été, alors qu’ils étudieront et documenteront une quinzaine d’épaves de navires ayant sombré dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de la Côte-Nord au cours des derniers siècles.
Ce projet d’archéologie maritime, qui en est à sa seconde édition, débute avec un ambitieux programme: déterminer si l’une des épaves découvertes l’été dernier est bien celle du navire marchand Sainte-Anne, qui a coulé dans les eaux de la Nouvelle-France en 1704.
«Le Saint-Anne s’est échoué sur la dangereuse batture de Manicouagan alors qu’il transportait une cargaison de fourrure», explique Vincent Delmas, étudiant au doctorat.
Pour déterminer si l’épave découverte est bien ce navire, les archéologues devront procéder à une analyse dendrochronologique. «Nous allons prélever des échantillons de bois afin de comparer les anneaux de croissance du bois avec une base de données. Nous pourrons connaître la date d’abattage des arbres ainsi que leur provenance.»
Selon le chercheur, les couverts utilisés par l’équipage et les fixations en plomb observées à l’intérieur de l’épave laissent toutefois croire que cette dernière pourrait être plus récente que le Sainte-Anne.
Delmas travaille en collaboration avec Mathieu Mercier Gingras, étudiant à la maîtrise, ainsi qu’avec Archéo-Mamu Côte-Nord, un organisme oeuvrant à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine archéologique de la Côte-Nord, notamment grâce à des expositions.
Le fleuve comme arme de guerre
Les plongeurs locaux de la Côte-Nord jouent un rôle particulier dans le projet de l’Université de Montréal, puisqu’ils connaissent bien souvent des épaves encore inconnues des scientifiques.
C’est notamment le cas pour la flotte britannique de l’amiral Walker, venu envahir Québec en 1711. Les stratèges de l’expédition guerrière la prévoyaient victorieuse, mais c’était sans compter sur un temps très mauvais et une visibilité presque nulle. Une partie de la flotte fut éventrée sur les récifs de l’île aux Œufs, incitant Walker à rebrousser chemin et sauvant la Nouvelle-France – temporairement ‒ de l’envahisseur.
«Seulement trois épaves sont pour l’instant connues, mais les informations partagées par les plongeurs nous laissent croire qu’il pourrait y en avoir entre trois et cinq autres, ajoute l’étudiant. Nous allons donc retourner cette année aux environs de Baie-Trinité et de la Pointe-aux-Anglais pour les documenter.»
Les archéologues estiment que des milliers de naufrages ont eu lieu le long du Fleuve Saint-Laurent, la seule voie maritime du Québec à l’Europe, au cours des derniers siècles. Ils auraient notamment été causés par le grand courant et les vents forts, les guerres entre les Français et les Anglais, ainsi que par l’absence de phare.
L’équipe de chercheurs espère pouvoir continuer sa collaboration avec la Côte-Nord pendant plusieurs années afin d’inventorier tout le patrimoine maritime de la région, pour ensuite élargir sa mission à l’ensemble du Québec.
Trois célèbres épaves du Saint-Laurent
Le Carolus
D’une longueur de 285 pieds, le Carolus est construit en 1919 à Sunderland, en Angleterre. Le 9 octobre 1942, le Carolus est torpillé par le sous-marin allemand U-69 au large de Sainte-Flavie, pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la bataille du Saint-Laurent. Onze hommes périront parmi la trentaine à bord.
L’Empress of Ireland
Commandé en 1904, l’Empress of Ireland est inauguré en 1906. Dans la nuit du 29 mai 1914, une collision dans le brouillard entre le charbonnier norvégien Storstad et le paquebot Empress of Ireland fait 1012 victimes au large de Sainte-Luce. La tragédie ne se serait déroulée qu’en 14 minutes.
Le Scotsman
Construit en 1834, le brick Scotsman a accosté dans plusieurs ports, dont ceux de New York, Rio de Janeiro, Glasgow, Liverpool, Montréal, et le quartier de Leith, le port de la ville écossaise d’Édimbourg. Le 20 novembre 1846, il part de Montréal à destination de Liverpool. Frappé par une tempête, il heurte des rochers situés près de l’île du Bic, puis dérive avant de sombrer. Un seul des neuf membres d’équipage survivra.