Au nom du principe de laïcité, la mairesse Caroline Bourgeois demande à l’opposition de retirer la motion qui prévoit l’installation d’une croix patrimoniale dans l’entrée de la Maison du citoyen, bâtiment qui abrite plusieurs services municipaux et la salle du conseil de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies – Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT).
Le conseil d’arrondissement a récemment voté en faveur de l’installation d’une statue de Marguerite Bourgeoys et d’une réplique de la croix du premier couvent de Pointe-aux-Trembles dans le vestibule de la Maison du citoyen. Un ancien couvent racheté puis rénové par la Ville de Montréal. La mairesse Bourgeois s’est opposée à la motion. Or, sur les sept membres du conseil, seule Lisa Christensen, sa collègue du parti Projet Montréal, l’a appuyée.
Dans la foulée, la mairesse avait indiqué «[prendre] acte du vote». Une semaine plus tard, elle demande au conseil de revenir sur sa décision et de trouver un terrain d’entente, car «c’est une question qui ne fait pas l’unanimité et pour laquelle il n’y a pas de consensus».
«Je souhaite que l’opposition officielle retire sa motion sur la présence de la croix à l’entrée de la Maison du citoyen afin que nous trouvions une solution axée sur le gros bon sens pour commémorer notre patrimoine, tout en respectant la laïcité de nos institutions.»
– Caroline Bourgeois, mairesse de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles
La mairesse compte «en l’honneur de Marguerite Bourgeoys, en l’honneur du patrimoine de Pointe-aux-Trembles», déposer une nouvelle motion pour invalider la précédente.
Une croix à l’entrée de la Maison du citoyen : «c’est la première chose que vous voyez quand vous ouvrez la porte, la confusion entre savoir si on est au bureau d’arrondissement ou dans une église n’a pas lieu d’être». Selon elle, la statue et de la croix pourraient, par exemple, avoir leur place «dans un espace muséal à l’écomusée de Pointe-aux-Trembles», au Centre Roussin.
Suzanne Décarie, conseillère d’Ensemble Montréal, qui a cosigné la motion, campe sur ses positions. Il n’est «absolument pas question de retirer notre motion. La majorité a parlé, les citoyens sont derrière nous», martèle-t-elle.
Cette dernière soutient que c’est une manière pour «Projet Montréal de gouverner dans l’arrondissement». Elle prévient : «Nous sommes majoritaires au conseil, et nous, à Ensemble Montréal, nous sommes des gens de parole, que la mairesse se le tienne pour dit!»
Caroline Bourgeois voit dans ces divisions un problème. Selon elle, avec ce débat-là, «on n’est pas en train de parler du développement de l’Est, on se divise au lieu de travailler sur des projets pour améliorer la qualité de vie du secteur, les transports, le commerce local».
Patrimoine ou religion
La statue de Marguerite Bourgeoys et la croix de fer se trouvaient sur le terrain qui accueillait le couvent des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Avant que la Ville n’en fasse l’achat en 2011 pour y aménager la Maison du citoyen. La statue est remisée depuis dans l’église Saint-Enfant-Jésus, voisine. La croix, elle, est entreposée dans l’Atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles (AHPAT).
Claude Belzil, président de l’AHPAT, a tenté à plusieurs reprises de faire sortir la statue et la croix de leurs rangements. En vain.
Pour lui, peu importe où se trouveront ces ornements architecturaux. «Ce qu’on voulait, fondamentalement, c’est que les gens se souviennent de la contribution de cette femme-là [Marguerite Bourgeoys] à Pointe-aux-Trembles.»
La solution de les implanter dans le vestibule était pour lui une manière de mettre ceux-ci et la future plaque explicative, «à l’abri des intempéries et du vandalisme». Et surtout de souligner que «ce bâtiment était autrefois une école de jeunes filles».
Maurice Vanier, ancien maire de Pointe-aux-Trembles et homme de religion, y voit un «débat politico-religieux». Lui qui avait soutenu l’installation de ces éléments à la Maison du citoyen affirme aussi que cette croix, même si c’est une réplique, a une valeur patrimoniale. Pour lui, le compromis résiderait dans l’installation d’un monument à l’extérieur, aux abords de la Maison du citoyen comme cela a été le cas en 1959.