En entrevue avec Métro, le Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont explique le nombre record de cas de COVID contractés dans son établissement, par la vétusté des bâtiments. Ce qui n’aurait pas permis d’offrir le niveau de soin adéquat aux patients.
Il met en cause la désuétude de l’hôpital et son architecture ancienne, non adaptée aux normes sanitaires actuelles. Il y a, par exemple, beaucoup d’espaces communs où les personnes sont obligées de circuler au même endroit. Il n’y a que six ascenseurs pour desservir onze étages avec des corridors qui n’ont qu’un seul accès. Ce qui crée un appel d’air avec des personnes qui entrent et sortent à la même place.
«Il y a eu des erreurs de triage comme des tests de faux négatifs ou des personnes asymptomatiques. Ça tous les hôpitaux l’ont vécu, mais nous ce qu’il y a de particulier, c’est la géographie de notre hôpital.» – Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Il mentionne que ces accès uniques rendent également impossible l’isolement des cas de COVID dans son unité. «Par exemple dans mes soins intensifs, la seule solution d’aération sécuritaire pour expulser le virus c’est de mettre les patients COVID au fond de mon unité. Ce qui fait qu’à chaque fois que je dois faire entrer ou sortir un patient COVID, je n’ai pas d’autres choix que de le faire traverser la zone de patients non contaminés. D’un point de vue microbiologique c’est un problème.»
Le second problème est que la COVID demande des chambres d’isolement, or l’établissement ne dispose pas de chambres suffisantes. Idéalement le médecin aurait souhaité aménager une aile complète pour le confinement des gens infectés. Cependant, il leur est impossible de fabriquer ou de modifier les chambres existantes. «Ce sont toutes des solutions de guerre. Ce ne sont pas des conditions optimales.»
Le médecin s’étonne du choix de son hôpital comme centre COVID
Il s’étonne que le gouvernement ait décidé d’affecter son hôpital en centre COVID alors qu’il n’était pas adapté à un tel afflux de malades.
«On aurait aimé faire comme il faut, mais quand on nous a envoyé massivement des patients COVID lors de la première vague, ça a été une surprise parce qu’on avait très peu de chambres d’isolements comparativement au CHUM et au CSUM. Pourquoi ils ne les ont pas envoyés au CHUM et au CUSM ?»
Le médecin salue le travail de ses équipes lesquelles ont limité les dégâts comme elles ont pu. «On était prêts parce qu’on s’était excessivement préparés mais on avait nos limites. Quand on nous a envoyé tant de patients dans un hôpital favorable aux éclosions, bah voilà! La question que l’on doit se poser c’est: « pourquoi ça n’a pas été pire? » Moi je le vois comme ça.»
Des médecins de l’hôpital sont en train de mener une enquête pour comprendre ce qui s’est passé durant les débuts de la pandémie. Cependant, en raison d’un moratoire sur le système informatique des hôpitaux, ils n’ont pas d’ordinateurs suffisants ni d’outils informatiques adéquats pour effectuer correctement leurs analyses.
«Par exemple quand mes collègues ont voulu faire une analyse pour savoir qui était où et quand. On a demandé à des résidents en médecine de passer tous les dossiers manuellement parce qu’on n’a pas de base de données pour connaître les mouvements des contaminations, les cas cliniques, etc. On n’a pas les outils pour croiser les bases de données. Le système informatique de Maisonneuve-Rosemont a été construit en même temps que l’hôpital. (sic)»
Un nouvel hôpital pour attirer du personnel soignant
Le Dr François Marquis décrit un établissement en fin de vie utile. «Si vous vous promenez dans l’hôpital, vous pouvez voir des fenêtres qui sont condamnées. Il y en a qui tiennent avec des couvertures dedans. Il n’y a plus rien qui se rénove, on est au-delà de toutes potentielles rénovations, c’est fini.»
Il relate également que l’été, la température à l’intérieur de l’hôpital peut atteindre les 48°C par manque de climatisation. Il milite pour la construction d’un nouvel hôpital pour accueillir les patients qui dépendent de Maisonneuve-Rosemont. Ce qui représente 10% des patients du Québec.
«On a du mal à l’imaginer faire ça sur le site ici pour toutes sortes de raisons. On sait qu’il y a des sites disponibles à côté. C’est le temps de commencer à creuser. C’est le temps de lancer un signal fort à tout le monde.»
Il pense également qu’un établissement fonctionnel aiderait à attirer du personnel. En effet Maisonneuve-Rosemont doit faire face à pénurie de soignants, ce qui limite la capacité du centre hospitalier à fournir tous ses services. Il pense que cela aiderait aussi à faire revenir le personnel qui a quitté l’établissement pendant la pandémie serait une solution qui serait gagnante pour tous.
Quelques faits sur l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Depuis le début de la pandémie, 425 patients ont contracté la COVID-19 à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et 150 en sont morts. Ce qui en fait l’établissement ayant eu le plus de cas de personnes au Québec entrant pour d’autres soins à l’hôpital et en ressortant avec cette maladie.
Pendant la première vague, 52% du personnel de l’unité COVID de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont a été contaminé contre 27,7% en moyenne dans les unités COVID montréalaises.