Plus de 500 personnes ont signé une pétition appelant le gouvernement à sanctionner la députée fédérale de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos. Ils lui reprochent des propos concernant la conversion d’un bâtiment patrimonial à Istanbul, qui ne concerne pas le Canada.
L’édifice était une église chrétienne orthodoxe jusqu’à la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453. Devenu une mosquée, le bâtiment a été désigné comme un musée au début des années 1930.
En juillet, le gouvernement turc a autorisé la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée. Plusieurs pays, dont la Grèce – d’où Mme Lambropoulos a des origines -, ont vivement critiqué le président Recep Tayyip Erdogan pour cette décision.
«Selon le Conseil d’État, l’immeuble a toujours été enregistré dans le registre foncier comme une fondation pieuse», explique le professeur agrégé en droit comparé à l’Université de Montréal, Harith Al-Dabbagh.
Dans un communiqué, Mme Lambropoulos a fustigé le gouvernement Erdogan. La députée appelle d’abord les autorités turques à respecter le droit international et l’intégrité des nations souveraines, dont les eaux internationales de la Grèce.
Cependant, il s’agit juridiquement du droit interne de la Turquie, considère M. Al-Dabbagh. Par ailleurs, Sainte-Sophie est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais «cette classification ne détermine pas la propriété d’un site», ajoute le professeur.
«Il y a une condamnation [à l’endroit de la Turquie] qui peut être morale, sur le plan humanitaire ou de la courtoisie internationale.» -Harith Al-Dabbagh, professeur à l’UdeM
Mme Lambropoulos se désole également de la tournure de la cérémonie. «Le fait que l’Imam de Sainte-Sophie ait tenu l’épée du Sultan Mehmed II, le conquérant de Constantinople, lors de la première prière du vendredi […] m’attriste profondément, avait-elle écrit dans son communiqué. Ceci n’est pas représentatif de l’islam pour les milliards de musulmans dans le monde.»
Critiques
Ces commentaires ont piqué au vif plusieurs internautes, ce qui a mené au lancement d’une pétition visant entre autres le premier ministre Justin Trudeau et le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne.
Les signataires affirment que Emmanuella Lambropoulos porte un jugement sur la cérémonie. «Ce type d’affirmation est aussi très inapproprié, écrit-on. Il s’agissait d’une tradition culturelle tout comme dans notre hymne national du Canada, où on fait référence à la Croix et à l’épée.»
La pétition compte en date de lundi plus 550 signataires qui soutiennent que la députée s’ingère dans un débat qui ne relève pas de ses compétences.
«Il est très inapproprié qu’un parlementaire canadien interfère dans des décisions de tribunaux étrangers», lit-on encore dans la pétition.
«Le but de ma déclaration était de promouvoir la paix particulièrement dans un temps de pandémie, assure Mme Lambropoulos. Je défends toutes les religions et communautés.»
Les signataires appellent le gouvernement canadien à se dissocier la députée qui «manque de jugement et de crédibilité» ainsi qu’à la sanctionner.
Discrets
Interpelés à plus d’une reprise à se prononcer sur les propos de Mme Lambropoulos et sur le contenu de la pétition, le ministère des Affaires étrangères et la cabinet du premier ministre canadien se sont faits avares de commentaires.
«Le gouvernement du Canada regrette la décision de la Turquie de convertir le musée Sainte-Sophie en mosquée», s’est contenté de préciser par courriel l’attachée de presse du ministère des Affaires étrangères, Syrine Khoury.
Le gouvernement Erdogan s’est néanmoins engagé à maintenir l’accès à tous les visiteurs, peu importe leur religion ou nationalité, fait-elle également savoir.
Ottawa, qui encourage les autorités turques à «entamer un dialogue inclusif avec les communautés touchées par cette décision», assure qu’il suivra la situation de près.
Un membre de l’équipe de Pablo Rodriguez, lieutenant politique du gouvernement libéral du Québec, aurait par ailleurs été mandaté pour aller à la rencontre de leaders musulmans de la communauté montréalaise.