Isabelle Ouellet-Morin, professeure agrégée à l’école de criminologie à l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, a remporté le prix Beccaria pour l’ensemble de ses recherches, notamment le développement de l’application +Fort, qui permet aux jeunes de s’informer sur l’intimidation, de mieux connaître leurs propres expériences et de prendre connaissance des moyens susceptibles de les aider à vivre moins d’intimidation.
Qu’est-ce qui vous a mené à faire des recherches au niveau de la santé mentale et la psychologie?
(I.O.-M.):J’étais très étonnée de voir à quel point les expériences sociales arrivaient à changer la trajectoire de vie des gens. À quel point des expériences de vie avaient des impacts notés, autant mentaux que physiques, et des effets à long terme. Par exemple, une victime d’intimidation pouvait développer de la dépression, de l’anxiété ou un comportement antisocial, alors que d’autres pouvaient s’en sortir indemnes ou avec une attitude résiliente. Je voulais comprendre le mécanisme qui faisait que certains individus réagissaient différemment des situations de stress.
Qu’est-ce qui vous a mené à étudier davantage les cas d’intimidation et à développer l’application +Fort?
(I.O.-M.):J’ai fait un post-doctorat plus spécifiquement sur l’intimidation et sur l’influence des réactions au stress des personnes sur leurs gènes. C’est en donnant des entrevues sur mes résultats, où je prouvais que l’intimidation laissait des traces dans notre génétique, que les gens me demandaient comment aider les jeunes qui vivaient de telles situations. J’ai contacté des collègues dans des écoles pour savoir ce que je pouvais faire pour aider. J’ai été étonnée de voir que rien n’était standardisé. Il y avait un plan d’action contre l’intimidation, mais rarement des ressources validées. Les intervenants se sentaient démunis et n’avaient pas assez d’outils et de formations. C’est là que j’ai senti l’urgence de faire quelque chose.
Vous avez alors pensé à développer une application mobile, +Fort.
(I.O.-M.):C’est important de faire de la recherche fondamentale, mais si je croyais dans mes résultats qui prouvent qu’il y a des conséquences marquées chez les victimes, je devais faire quelque chose.
L’application a été lancée en septembre 2016. Qu’elle a été sa réception?
(I.O.-M.): Très belle. Nous avons même été dépassés par moment. Les intervenants sont à l’aise avec le système et nous avons environ 3000 téléchargements. Ça répond à un besoin, car il y avait un manque dans les établissements. J’ai également reçu une invitation de l’ambassade canadienne à Paris afin de présenter l’application à leurs intervenants et parents.
Qu’elles sont les prochains projets sur lesquels vous allez vous pencher.
(I.O.-M.):Nous travaillons à améliorer l’application, afin de régler les petits bogues. La version 2.0 devrait sortir en 2018 et celle-ci sera disponible pour les appareils Android et en anglais. Je travaille également sur plusieurs recherches, notamment sur les mesures biologiques qui permettraient de comprendre les mécanismes physiologiques qui mènent aux problèmes de comportement ou de santé mentale.