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CSSDM: les enseignants et éducateurs spécialisés dénoncent leur dure réalité

CSSDM: les enseignants et éducateurs spécialisés dénoncent leur dure réalité

La présence de souris est une réalité dénoncée par le collectif du CSSDM.

Un collectif d’enseignants et d’éducateurs spécialisés est à bout de ressources. Afin de dénoncer certaines réalités méconnues du grand public, une page Instagram a été créée où on retrouve des témoignages comme la présence de souris dans des écoles du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM).

Sous le nom de Notre réalité CSSDM, la page comptait déjà une quinzaine de témoignages anonymes depuis sa création le 10 février. Des mèmes, c’est-à-dire des images contenant du texte ayant pour but de faire rire, y sont également publiés.

«On a essayé différents canaux plus conventionnels et on n’a jamais eu de résultats concrets. C’est pour ça qu’on a fait cette approche un peu farfelue, affirme la porte-parole du collectif et membre du personnel du CSSDM, Mme Lucie*, qui préfère garder l’anonymat par crainte de représailles. On fait ce qu’on peut pour que la situation ne reste pas la même pour toujours.»

Depuis quelques années, la direction du CSSDM est mise au fait de situations qui, parfois, se règlent, mais parfois sont récurrentes. D’autres sont plutôt demeurées «lettre morte», de dire Mme Lucie.

«Je ne suis pas vraiment étonnée que ce genre de page soit créée parce que c’est difficile de dénoncer dans le milieu de l’éducation, explique d’emblée la présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM), Catherine Beauvais-St-Pierre. On le sait, les enseignants qui dénoncent des choses à visages découverts se font ensuite taper sur les doigts.»

«Est-ce qu’une page comme ça est utile? C’est une autre façon de se faire entendre et de faire réaliser à Monsieur et Madame Tout-le-monde que ce sont des témoignages de profs […] et qu’on se bat pour des problèmes et des besoins réels.» – Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’APPM.

Insalubrité

Des membres du personnel rapportent la présence de rongeurs, comme des souris ou des rats, dans les classes. Des excréments sont observables à répétition dans des armoires. Les enseignants ont même dû se faire rembourser du matériel scolaire, indique Mme Lucie.

En avril 2016, une infestation de souris était d’ailleurs confirmée à l’école primaire Laurier dans Le Plateau-Mont-Royal. De plus, environ 90% des infrastructures du CSSDM étaient considérés comme étant en mauvais ou en très mauvais état en 2019.

«Il n’y a rien que j’ai vu sur cette page qu’on n’a pas déjà dénoncée. Ce sont toutes des choses contre lesquelles on se bat à longueur de journée», précise Mme Beauvais-St-Pierre.

Le manque de main-d’œuvre et de sécurité dans les différents établissements ainsi que des problèmes de plomberie et de chauffage sont notamment soulevés sur la page Instagram.

«On ne veut pas être dans des bâtiments en décrépitudes, avec des fuites d’eau et des souris. On veut des bâtiments bien ventilés, du personnel pour bien répondre aux besoins de nos élèves, ainsi que des conditions de travail et d’apprentissage de qualité», souhaite la porte-parole du collectif.

Pénurie

Les publications évoquent du même coup la pénurie de personnel dans le réseau de l’éducation de la province. Des classes vivent avec des remplacements chaque jour, voire carrément sans enseignant, alors que d’autres n’ont pas de professionnels qualifiés pour les accompagner.

C’est le cas, par exemple, des groupes pour les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). «Une classe qui n’a pas d’enseignant, ça ne devrait pas être normal. Mais en ce moment, ça l’est parce que c’est tellement répandu», déplore Mme Lucie.

Par conséquent, les conditions de travail de ceux qui décident de rester sont encore plus difficiles, notamment avec le surnombre dans les classes. Et avec la relève qui tarde à arriver, certains se blessent par qu’ils ne sont pas qualifiés pour intervenir auprès d’une clientèle aux besoins particuliers.

«C’est monnaie courante. […] Il y a des approches à faire avec ces élèves-là, et le personnel qui vient en remplacement qui n’a pas les techniques d’approches avec ces enfants, oui, effectivement, il peut y avoir des blessures. À la petite semaine, on a des appels pour nous demander de l’aide», confirme le président du comité exécutif de l’Association professionnelle du personnel administratif (APPA), Michel Picard.

Il faudrait «une volonté réelle» de Québec afin d’améliorer le système d’éducation public, selon Mme Beauvais-St-Pierre.

«On pourrait penser que ce sont des anecdotes […], mais la réalité, c’est que depuis des années, on coupe en éducation, on demande aux profs et aux gens qui travaillent dans les écoles de faire plus avec moins», se désole-t-elle.

Voix

La loi 40 sur l’abolition des commissions scolaires, devenues des centres de services scolaires en février 2020, n’a rien amélioré, au contraire selon la présidente de l’Alliance des professeurs.

«C’était loin d’être parfait, mais il y avait les commissaires à qui les gens pouvaient s’adresser quand les choses ne fonctionnaient pas dans le milieu de l’éducation. Ces personnes-là avaient du pouvoir», souligne Mme Beauvais-St-Pierre.

CSSDM réagit

«Nous ne pouvons commenter des allégations anonymes véhiculées sur ce site», indique par courriel le responsable des relations de presse au CSSDM, Alain Perron.

Le centre de service scolaire rappelle qu’une ligne de signalement a été mise en place en 2018 afin de faire face à différentes situations entraînant une intervention. La plateforme permet au personnel de dénoncer sous le couvert de l’anonymat.

«Il est important que les cas nous soient soumis et que nous soyons informés pour que nous puissions prendre tous les moyens mis à notre disposition pour intervenir», poursuit M. Perron.

Notre réalité CSSDM, qui compte un peu moins de 300 abonnés, a entraîné du même coup la création d’une autre page Instagram, celle du Centre de services scolaire des Portages de l’Outaouais (CSSPO). Aucune dénonciation n’a toutefois été publiée pour le moment.

*Nom fictif

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