Sud-Ouest

Du jour au lendemain, des parents se retrouvent sans garderie

Michèle et sa petite de 18 mois, dans la cour de la garderie Les Petits Scouts.

Michèle et sa petite de 18 mois, dans la cour de la garderie Les Petits Scouts.

Comme chaque après-midi, Michèle venait chercher sa jeune fille à la garderie Les Petits Scouts, le 14 juin. «Il y avait une dame du ministère [de la Famille] qui nous accueillait. C’était assez court, elle nous disait: la garderie n’a pas de permis, elle est illégale, elle ferme, ramassez toutes les affaires de vos enfants», raconte-t-elle.

Alors que tous les scénarios défilaient dans la tête de la maman, c’était un manque de personnel qui a mis en péril Les Petits Scouts. Selon la loi, pour chaque trois éducatrices dans une garderie, deux doivent posséder le statut d’éducatrice qualifiée. Une exigence à laquelle le directeur de la garderie, Nadjib Deliba, ne s’était pas conformé malgré des demandes répétées du ministère depuis 2021.

«Ça fait deux ans que j’ai mis des annonces, je ne trouve pas, ça fait plus d’un an que je cherche», confie Nadjib Deliba, déboussolé. Ce dernier assure avoir multiplié les démarches pour trouver le personnel requis. «À deux reprises, j’ai trouvé une éducatrice qualifiée. Elle est partie pour un endroit qui paye mieux. […] Beaucoup de garderies sont dans mon cas», dit-il.

Le directeur Nadjib Deliba se sent déboussolé. Photo: Clément Bolano, Métro Média.

En effet, 41% des garderies montréalaises ne respecteraient pas le ratio de deux éducatrices qualifiées sur trois, en 2021-2022, selon une enquête de Radio-Canada publiée au printemps. De plus, seuls 66% des services de garde de la province évalués par le ministère entre avril 2019 et novembre 2022 atteignaient le seuil de qualité jugé suffisant.

Même si M. Deliba était bien conscient de ne pas respecter la norme, il n’imaginait pas qu’on lui fermerait sa garderie, au regard du phénomène national. Il a même écrit à son député, Guillaume Cliche-Rivard, pour lui demander de l’aide.

Des éducatrices spécialisées, il n’y en a pas. Je suis passionné, j’aime ce que je fais. Pour moi, c’est fini, les parents sont déjà partis. Ce sont des milliers de dollars investis jetés à la poubelle.

Nadjib Deliba, directeur de la garderie Les Petits Scouts

Selon Radio-Canada, environ 10% des éducatrices en service de garde, tous types de services confondus, ont quitté le réseau en 2021-2022. Même si le ministère a pourvu 7040 postes dans la même année, il restait encore 3159 postes vacants d’éducatrices sur l’ensemble du Québec au 31 mars 2022.

Une éducatrice qualifiée qui manque à l’appel

Une autre maman, Zineb, relate la même expérience. Lorsqu’elle arrive dans le stationnement, on lui annonce qu’elle ne pourra pas amener son enfant le lendemain. Pour ces parents, et bien d’autres, la surprise a été totale.

«J’ai demandé pourquoi ne pas avoir avisé plus tôt. On m’a répondu que le dossier était confidentiel; mais on m’a rassurée qu’il n’y avait aucun problème de salubrité et que mon enfant n’était pas en danger, sinon d’autres procédures auraient été prises. Où j’amène mon enfant demain? Je travaille et mon mari aussi! Nous devons gagner notre argent pour pouvoir subvenir à nos besoins et à ceux de notre enfant.»

Vous vous appelez ministère de la Famille, mais vous n’êtes pas en train de protéger la famille: vous êtes en train de la détruire. Où est le bien de la famille dans votre décision si vous ne nous donnez aucun délai, alternatives ou même d’explications plausibles.

Zineb Mahboubi, une mère dont l’enfant fréquentait la garderie Les Petits Scouts

Inquiets, les parents envisagent alors toutes les hypothèses derrière cette fermeture. «Mon cœur de maman a aussi sursauté car on peut s’imaginer toutes sortes de raisons pour lesquelles une garderie doit fermer», témoigne une autre source dont l’enfant fréquentait la garderie, sous couvert de l’anonymat. Du côté des employées du ministère sur le terrain, pas un mot: le dossier est confidentiel.

La cour arrière de la garderie. Photo: Clément Bolano, Métro Média.

Des parents lésés

Lors de l’entrevue avec Métro, Michèle ne savait toujours pas pourquoi la garderie fermait ses portes. «C’est inquiétant, est-ce que je la récupère, j’appelle la police? Ça partait de: y a des guns, des drogues, c’est quoi?», s’interrogeait la mère de famille. Selon elle, le manque de communication entre les garderies et les parents concernant ces fermetures soudaines crée une situation inacceptable.

«Si nous avions eu un préavis de la part du ministère et/ou du propriétaire, nous aurions pu nous organiser un peu d’avance. Les arrangements que nous nous retrouvons dans l’obligation de faire (par exemple, prendre un congé non payé prolongé vu le manque de places en garderies/faire garder notre enfant par les membres de la famille vivant à 4h de route) ne contribuent pas au bien-être de l’enfant», explique par courriel une mère sous couvert de l’anonymat.

Il y a eu manque de transparence de leur part et ce sont les familles qui écopent. Nous nous retrouvons dans une situation où nous devons faire des acrobaties alors que cette situation aurait pu être évitée.

Une mère dont l’enfant fréquentait la garderie

«Ma fille adorait ses éducatrices, qui semblaient très bien s’occuper d’elle. Je suis convaincue que ma fille aurait été plus heureuse de continuer d’aller à cette garderie malgré la situation actuelle. Personne n’est gagnant», conclut-elle.

Pour l’heure, les parents comme Michèle et Zineb restent dans l’incertitude. «J’attends des retours. Plan A: ça rouvre, on oublie ce nuage noir. Sinon, on se met sur une liste d’attente», explique Michèle. Un sentiment partagé par Zineb. «Aidez la garderie à trouver une éducatrice spécialisée au lieu de mettre tous ces enfants et leurs familles à la porte», demande-t-elle.

Le ministère de la Famille n’avait pas répondu aux questions de Métro au moment où ces lignes étaient écrites.

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