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Romani Design: combattre le racisme anti-roms un vêtement à la fois

La designer rom Erika Varga sourit devant certaines de ses créations dans le studio de Romani Design.

La designer rom Erika Varga

C’est dans le but de montrer un autre regard sur sa communauté que la designer rom Erika Varga a fondé la marque de mode Romani Design. Métro est allé à la rencontre de l’entrepreneuse originaire de Hongrie en banlieue de Budapest.

«Je voulais faire quelque chose de fort qui ne faisait pas que parler de nos souffrances, mais montrait ce que nous sommes de l’intérieur», explique la créatrice de mode.

Métro l’a rencontrée dans sa demeure éclectique, d’où elle crée ses habits. Elle y a aménagé son studio et a embauché cinq employés dont sa sœur Helen Varga, qui dessine aussi des vêtements pour la ligne de mode. Créée en 2010 en banlieue de Budapest, la marque rom a défilé dans plusieurs semaines de modes hongroises, mais aussi à Kuala Lumpur, New Delhi, Doha, Mumbai, Vienne, Berlin, Lisbonne et Bruxelles.

La plus grande minorité ethnique d’Europe fait souvent objet de discrimination et persécution. Les Roms sont souvent représentés par des stéréotypes négatifs. Plusieurs Roms rejettent donc leur identité dans le but d’obtenir de meilleures conditions de vie.

Avec sa marque de mode, madame Varga veut pallier à cet autorejet. Elle souhaite faire rayonner sa culture et ses traditions.

Romani Design utilise des tissus et motifs traditionnels roms de manière éclectique et moderne. La designer dit adapter sa collection aux codes de la mode d’aujourd’hui tout en conservant les valeurs traditionnelles de la culture.

On peut y trouver une robe style Marylin Monroe, des robes maxi ou des t-shirts avec le tissu traditionnel fleuri rom. Erika Varga espère que ce nouveau regard sur cette culture apporte un sentiment d’appartenance à la jeunesse rom.

«Je veux montrer aux Roms qu’ils peuvent être fiers de leurs cultures d’aujourd’hui et suivre leur passion sans pour autant perdre leur identité», dit-elle.

Racisme raffiné

Le succès de la marque n’a pas toujours été facile. Parce qu’elle présentait son peuple avec force et émancipation, la créatrice de mode a dû passer à travers plusieurs défis pour être acceptée dans le monde de la mode. Lorsqu’elle a fondé la marque, plusieurs ont été méfiants, confie-t-elle.

Pour elle, cette résistance est symbolique d’un racisme raffiné.

« Plusieurs gadjos (non-Rom) veulent danser et écouter notre musique pour qu’ils se sentent bien. Mais ils ne veulent rien savoir sur notre peuple et nos droits. On voudrait qu’on reste de côté, sans prendre trop de place.»

À ses débuts, même si certains non-Roms semblaient aimer les créations de la marque, l’entrepreneur croit que cet amour avait une limite. Elle avait de la difficulté à trouver des employés qui acceptaient de travailler pour des Roms.

«J’avais des employés hongrois qui, de prime abord, étaient à l’aise avec notre présence. Mais elles n’étaient pas à l’aise avec l’idée qu’une femme rom leur disent quoi faire», raconte-t-elle.

La créatrice voit en cela une acceptation limitée de son peuple. Elle aimerait que plus de Roms soient inclus dans la société à part entière.

Aujourd’hui, après des années de perfectionnement et de résilience, la créatrice croit qu’il est maintenant difficile d’ignorer le succès de sa marque.

«C’est difficile de nous ignorer, car nous prenons notre place», martèle Mme Varga.

Ses créations se vendent jusqu’au prix de 1000$ la pièce. Ses clients sont tout aussi bien des Roms et que des gadjos.

Inspirer la jeunesse

Pour l’entrepreneur de 47 ans, le simple fait de créer des habits n’est pas suffisant. Elle souhaite aussi aider sa communauté.

Ayant longtemps mentoré les femmes et les enfants de sa communauté avant la création de son entreprise, Mme Varga offre aussi des ateliers de couture et des formations individuelles aux jeunes roms. Elle veut aider les amener à être fiers de leur culture.

«On ne devrait pas avoir à choisir entre être éduqué et avoir une forte identité rom», estime-t-elle.

Plusieurs Roms doivent décider entre l’assimilation à la culture dominante et la préservation de leur culture, explique la créatrice. Pour elle, ce débat ne devrait pas être un choix.

«J’espère aider les jeunes à accepter leur identité rom et les aider à en être fiers pour qu’ils n’aient pas à vivre dans le mensonge en reniant leur identité et s’en détachant. Je veux épauler les jeunes à travers leur émancipation.»

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