N’appartenant à personne au regard du droit international, l’Antarctique est l’objet d’une gouvernance unique qui laisse aux professionnels du tourisme, une des seules activités économiques autorisées sur le continent, beaucoup de latitude pour s’autoréguler.
Signé il y a 60 ans, y compris par les États-Unis et l’URSS -un fait notable en pleine Guerre froide-, le Traité de l’Antarctique consacre le continent comme terre de science et de paix et gèle les revendications territoriales.
Il a été complété par plusieurs outils, entre autres en 1991 par le Protocole de Madrid sur la protection de l’environnement qui vise à minimiser l’empreinte de l’homme.
Faisant de l’Antarctique une «réserve naturelle» où l’exploitation des ressources minérales est interdite, le Protocole et ses annexes conditionnent les activités humaines à des études préalables d’impact sur l’environnement.
Prohibant l’introduction volontaire d’espèces végétales et animales, les rejets en mer d’hydrocarbures, d’ordures ou d’eaux usées non traitées, et imposant le rapatriement des déchets, ces textes fournissent un cadre général à l’industrie du tourisme.
Celle-ci a de son côté donné naissance, en 1991 également, à l’Association internationale des voyagistes antarctiques (IAATO), créée par sept tour-opérateurs convaincus de l’intérêt de se coordonner en matière de mouvements des navires, sécurité et protection de l’environnement.
Regroupant aujourd’hui la quasi-totalité des entreprises du secteur, l’IAATO est chaque année invitée aux réunions des signataires du Traité de l’Antarctique (RCTA) où elle présente un état des lieux du tourisme antarctique et des propositions de définition des normes.
Ni détritus ni graffitis
Celles existantes sont plutôt strictes. Elles stipulent notamment que seuls les navires transportant moins de 500 passagers peuvent débarquer à terre, pas plus de 100 personnes à la fois, sur des sites prédéfinis.
Dûment briefés et ayant nettoyé vêtements et équipements au préalable, ces visiteurs doivent être encadrés par des accompagnateurs (avec un ratio de 1/20) et ne doivent pas débarquer de nourriture, ni laisser quoi que ce soit derrière (détritus ou graffitis…) ni rapporter de souvenir.
«Tout le monde y trouve un intérêt: l’environnement antarctique, les États, mais aussi les entreprises elles-mêmes car, s’imposant des normes environnementales très élevées, elles augmentent d’autant la difficulté et le coût de pénétration sur le marché antarctique pour de nouveaux acteurs et évitent le piège du ‘surtourisme’», écrit l’expert Mikaa Mered dans l’ouvrage Les mondes polaires.
Cette année, les quelque 100 entreprises membres de l’IAATO se sont prononcées pour des mesures visant à éviter les collisions de navires avec les baleines et pour des restrictions supplémentaires sur l’usage des drones.
Elles ont aussi apporté leur soutien au développement d’aires marines protégées.
À l’exception de celui qui a vu le jour en mer de Ross en 2016, la création de sanctuaires marins autour de l’Antarctique bute depuis 2010 sur l’opposition de la Chine et de la Russie.
Pékin et Moscou s’inquiètent des conséquences pour la pêche mais craignent aussi que de telles réglementations environnementales puissent appuyer les prétentions territoriales des pays qui les avancent, selon M. Mered.
Lancée par l’Australie, la France et l’UE, l’initiative visant à créer d’immenses sanctuaires dans trois zones marines a échoué, pour la huitième année consécutive, début novembre à Hobart (Australie) lors de la réunion annuelle de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR).
Faisant également partie du Système du Traité de l’Antarctique, la CCAMLR signée en 1980 encadre l’exploitation des stocks halieutiques tout en protégeant l’environnement marin.