CHRONIQUE – La cavale de l’ours polaire égaré en Gaspésie a, sans surprise, fait la manchette. Mais qu’est-ce qu’il fout là, le pauvre? Et l’assassiner, vraiment? Possible de les extirper de leur habitat naturel afin de les traîner au zoo, mais l’inverse serait impossible, côté techno? Curieux.
Pire: loin de l’anecdote, l’affaire s’avère plutôt symptomatique d’une tendance déjà amorcée. Qu’est-ce qu’il fout là, le pauvre, donc? Il cherche à bouffer. Et pourquoi si loin de chez lui? Changements climatiques.
Ironie du sort, au même moment ou presque, on apprenait qu’en 2021, l’équivalent de 10 terrains de football de forêt tropicale, aka les poumons planétaires, avait été éliminé de la surface de la Terre… chaque minute. Merci au président Bolsonaro et, surtout, à ses complices du G20 et autres normes internationales fantoches.
Ceci, encore ironiquement, pendant que les prix de l’essence explosent, à l’instar du rouspétage classique. Or, si la chose est plate à dire, elle demeure indubitable: hausse substantielle équivaut à… changer ses comportements consommateurs. Quiconque prétend le contraire est prié, bien bas, de me lancer le premier bidon.
Reste que l’affaire ne se fait pas sans heurts, particulièrement sur le plan de l’équité. Parce que les revenus des ménages et individus, cela va de soi, varient spectaculairement. Parce que maintes régions ne peuvent, au contraire des grands centres, soutenir des services de transport en commun adéquats. Parce que divers jobs et métiers dépendent encore, plate constat, de l’or noir.
D’aucuns plaideraient justement, et j’en suis, la nécessité de transiter OPC vers les énergies vertes, dont la valeur économique avoisinerait, au Canada seulement, les 100 milliards. Du gros fric qui, sans jeu de mots, dort au gaz.
D’autres, et j’en suis toujours, imaginent l’espoir par l’entremise du recours judiciaire. Un tribunal des Pays-Bas, pour seul exemple, vient récemment d’ordonner à la pétrolière Shell de réduire ses émissions de GES de façon draconienne. Même si les bases juridiques et constitutionnelles canadiennes d’un recours semblable demeurent un peu floues, quelques brèches sont potentiellement envisageables. On y revient dans une prochaine chronique.
Mais, dans l’intervalle, une clef. Facile comme tout. Accessible à tout un chacun: diminuer, sinon cesser, notre consommation de viande. Celle qui, entre autres choses, constitue la raison première du processus de déforestation mortifère.
Selon une étude tout juste publiée par la revue Nature et reprise par Le Devoir, le remplacement de 20% de notre consommation de bœuf par un substitut de viande quelconque contribuerait, d’ici 2050, à réduire de moitié ladite déforestation et les émissions de GES provoquées par la culture agricole.
Dans le cas contraire? Une déforestation doublée dans… les 30 prochaines années. Dit autrement: finito, l’humanité.
Que fait le Canada en la matière? Trop peu: ses budgets de transition agroenvironnementale seraient, toutes proportions gardées, TREIZE et SOIXANTE-TREIZE fois moins élevés que ceux, respectivement, des États-Unis et de l’Union européenne.
Et le Québec, là-dedans? 80% des grains produits ici le sont à des fins d’alimentation animale. Scrapper l’environnement, donc, afin d’engraisser de (pauvres) bêtes destinées à en nourrir d’autres, théoriquement plus intelligentes.
Théoriquement.
Parce que pleurer sur la mort de l’ours, c’est bien. Mais refuser de participer implicitement à celle-ci, ce serait mieux.