Société

Comprendre le métier de journaliste, un enjeu «crucial» pour la démocratie

Les Semaines de la presse et des médias existent depuis plus de 5 ans, et s'adressent à tous.

Les Semaines de la presse et des médias, organisées par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), sont l’occasion pour le public de mieux comprendre le travail des journalistes, mais aussi le rôle des médias dans notre société. Tout au long du mois de mai, des échanges, des conférences et des expositions sont offerts à la population dans le but de rétablir un lien de confiance entre les citoyens et les journalistes.

Afin de mieux saisir l’importance de ces semaines, Métro s’est entretenu avec le président et porte-parole de la FPJQ, Michaël Nguyen, également journaliste au Journal de Montréal depuis 2011. Ce dernier fait de l’éducation aux médias une priorité, et de la désinformation un combat.


Comment est-ce que vous expliqueriez le rôle de la FPJQ à quelqu’un qui ne connaît pas du tout sa fonction?

«La mission de la FPJQ est de défendre la liberté de la presse et le droit d’accès du public à une information fiable et vérifiée. Il est important de rappeler que oui, l’information n’a jamais été aussi accessible, mais que la mésinformation et la désinformation aussi.

La Fédération existe depuis 1969 et compte actuellement près de 1500 membres. Elle représente les journalistes du Québec, et se dresse comme un rempart face aux informations non vérifiées sur Internet, utilisées à des fins politiques ou monétaires.»

Sur quels sujets les Semaines de la presse et des médias mettent-elles le plus l’accent cette année?

«Nous voulons rétablir un lien de confiance avec les citoyens, parce qu’on réalise que beaucoup méconnaissent le rôle des journalistes dans une société. Par exemple, beaucoup de personnes confondent le rôle d’un journaliste avec celui d’un chroniqueur, alors que ce n’est pas la même chose: l’un rapporte des faits, tandis que l’autre en rapporte en donnant son opinion.»

Selon le Baromètre de confiance Edelman mené en ligne auprès de 1000 Québécois entre le 1er et le 28 novembre 2022, 58% des personnes interrogées faisaient confiance aux journalistes.

«Plusieurs événements sont donc consacrés à la compréhension de notre profession. Les ateliers #30secondes avant d’y croire permettent d’éveiller les jeunes sur la prolifération des fausses nouvelles, et de leur expliquer qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux. Il y a aussi des discussions sur le quotidien du métier de journaliste, car nous devons toujours nous adapter à une société qui change. Nous avons aussi un panel dédié au traitement journalistique de la science, représentant un enjeu évident depuis la pandémie. Ce sont des activités de discussions et de réflexion qui permettent d’appréhender au mieux la profession.»

Quels sont, selon vous, les principaux obstacles faisant face au métier de journaliste aujourd’hui ?

«Les réseaux sociaux peuvent être un obstacle, car ils peuvent favoriser la désinformation, et devenir un facteur de rupture de confiance. Des plateformes comme Twitter ne sont pas des plateformes qui encouragent la discussion, mais plutôt l’émotion. Elles fonctionnent avec du revenu publicitaire, et un algorithme qui n’a pas de ligne éditoriale. Cela se fait un détriment d’une population bien informée, et positionne les médias en compétition avec tout ce qui se trouve sur Internet.

Ouvrir un journal, c’est se confronter à des nouvelles qui ne nous auraient peut-être pas interpellées au premier abord, mais qui vont finalement nous intéresser, car elles sont bien expliquées.»

Un public bien informé est un public qui fait de bons choix de société.

Michaël Nguyen, président et porte-parole de la FPJQ.

«Un autre obstacle que l’on voit depuis quelque temps, c’est l’augmentation du harcèlement et de l’intimidation envers les journalistes. On remarque une désinhibition de la part d’une certaine tranche de la population qui se croit tout permis.»

Selon un sondage Ipsos mené auprès de plus d’un millier de journalistes et de professionnels des médias canadiens en 2021, plus de 70% d’entre eux affirmaient avoir été victimes de harcèlement au cours de la dernière année.

«On a aussi pu voir des politiciens qui s’attaquent aux médias directement, en les désignant comme de la propagande. Pourquoi? Pour miner la démocratie, pour miner une information fiable et vérifiée, et pour que les gens arrêtent de s’informer, et votant en fonction de ce que des porte-parole déclarent. Il faut donc continuer graduellement à sensibiliser au métier de journaliste, et faire pression auprès des gouvernements pour que les médias aient les moyens de continuer à informer.»

Il y a un peu plus de deux semaines, Métro Média a lancé un «cri d’alarme» quant à sa situation financière et à l’état de la presse locale à Montréal. Comment la FPJQ voit-elle l’importance de la presse locale dans notre société?

«Pour la FPJQ, la presse locale n’est pas importante, mais cruciale. Elle est absolument nécessaire à une saine démocratie. Sans les journalistes locaux, la population serait mal informée sur ce qu’il se passe aux conseils d’arrondissements ou municipaux. Malheureusement, la presse locale est celle qui paye le plus les frais de cette migration des revenus publicitaires aux mains des géants du numérique. C’est dangereux, car les journalistes ont un rôle de contre-pouvoir et font partie intégrante de la démocratie.

Il faut rappeler que les journalistes travaillent beaucoup plus que par le passé. Il ne faut donc pas nous prendre pour acquis, et rappeler à tous que notre métier est essentiel à la société.»

Pour finir, est-ce que l’avenir du journalisme ne risque pas de passer par l’intelligence artificielle (IA)?

«Au stade actuel, je dirais que je n’ai pas vraiment d’inquiétudes, car d’abord, on ne peut pas faire des portraits et de l’humain avec de l’IA. Ensuite, car elle se base sur de l’information qui est publique et existante. Or, le travail d’un journaliste d’enquête est de trouver des informations qui n’existent pas dans le domaine public. Comment une IA pourrait-elle écrire sur des sujets dont elle n’a aucune information?

Le problème c’est qu’on voit que pour certaines tâches, l’IA peut être utile, et peut être utilisée pour de la désinformation. Ça reste donc un danger par son encadrement, car on nage dans l’inconnu. Mais je ne pense pas que ça va tuer le journalisme, car au final, le papier, la radio, la télévision et Internet coexistent. Peu importe comment, l’important c’est de garder un public bien informé, et que tout le monde comprenne l’utilité du métier de journaliste.»

Pour retrouver la programmation complète des Semaines de la presse et des médias, visitez semainedelapresse.com.

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