CHRONIQUE – Les blessures sociétales entourant la récente pandémie sont manifestement puissantes, encore vives. Des cicatrices qui – suffit de faire un tour sur Twitter pour s’en convaincre – se font toujours attendre. Parce que peu importe la teneur du sujet, thématique ou discussion, un moineau y débarquera, immanquablement, en référant au caractère mortifère allégué des vaccins Pfizer ou autres bêtises du genre.
Un exemple? À chaque décès annoncé d’une personnalité publique, pensons Denise Bombardier ou Frédéric Bastien, d’aucuns oseront l’hypothèse de l’effet secondaire de la piqûre suggérée par les autorités sanitaires. De quoi s’exploser le crâne sur la brique, tellement c’est bête, lourd et injustement méchant – quand on y pense – pour les proches des défunts.
Certains de mes amis continuent, avec talent et opiniâtreté, la lutte contre la bêtise complotiste ambiante. Je pense notamment au pote Tommy Gaudet et sa bande de Douteux.org, irréductibles remparts contre la désinformation, autant épuisante puisse-t-elle être.
Si j’admire leur boulot quotidien, impossible pour moi de penser me replonger, ne serait-ce qu’un instant, dans cette piscine conflictuelle sans issue, celle où l’irrationnel et le refus de la science polluent et irradient toute forme d’échanges potentiellement porteurs. Dit autrement : vous avez (injustement) eu vos heures de gloire pendant la crise sanitaire, maintenant, finito, le débat public se poursuivra sans vous.
Or, malgré la directive donnée à mon cerveau de refuser cette galère à jamais, n’en demeure pas moins qu’un coup d’oeil (même furtif) à l’état des lieux a de quoi rendre dubitatif, sinon paniqué. Paniqué? Oui. Pour la suite de notre vivre-ensemble, s’entend. Parce que maintenant délestés de l’os pandémique afin de flouer les esprits vulnérables, certains gourous troquent aujourd’hui celui-ci au profit de la crise climatique, histoire de renflouer son membership et, il va sans dire, ses coffres.
C’est notamment le cas du (tristement) célèbre Alexis Cossette-Trudel, banni (incluant son compte PayPal) de Facebook, Youtube et Twitter pour cause de désinformation sévère.
Manifestement de retour (et en pleine forme) sur le Twitter d’Elon Musk, le leader complotiste mitraille tout ce qui grouille, balançant toute théorie susceptible d’hameçonner les crédules. La dernière étant, à charge de redite, que le réchauffement climatique constitue une vaste conspiration mondialiste orchestrée par quelconques forces obscures sauce Deep State, responsable d’une machination pédophilique blablablibloblu….
Avec plus de 60 000 abonné.es à son compte, appelons ça une formule gagnante. Surtout que le succès de son show (dans tous les sens du mot) repose sur… la contribution volontaire desdits crédules. Si, je le répète, l’ordre à mon subconscient est de refuser à nouveau de s’intéresser à ces folies, reste que le destin m’a, en ce beau samedi dernier, aisément déjoué : retweetant un de mes commentaires sur ledit réchauffement, Cossette-Trudel se gâte en y allant de boutades faciles à imaginer.
C’est alors que j’ai fait la boulette : répondre au bougre. En l’espace d’un claquement de doigts, sa horde de « pirates » me saute au visage. Massacre à la tronçonneuse, prise numéro 234566, sur le sympa twitter. On n’attaque pas impunément, pauvre idiot, le leader. OK, ça marche. Allons me chercher un café, passons à autre chose. Je redonne la directive au cerveau : fais le mort. Le très mort, idéalement.
Pas de veine. Flairant le sang et l’excitation de ses fidèles contributeurs, il m’invite à un débat, sur sa chaîne. Juste moi et lui. Sur le réchauffement climatique.
Le dilemme. Ce n’est pas l’envie qui manque, évidemment. Mais comment débattre avec un mec vivant – ou donnant cette illusion à dessein – dans un univers parallèle? Qui croit aux forces obscures susmentionnées? Qui a prédit à ses ouailles, à nombre de reprises, que « les arrestations s’en venaient », que « Trump reprendrait sans tarder le pouvoir avec le concours de l’armée », et ce, dates précises à l’appui?
Une bonne, d’ailleurs, dénichée par l’ami Gaudet. Dixit Cossette-Trudel, en février 2022: « Mon analyse métapolitique de la situation : le système international a été verrouillé par Trump avant de quitter, avant de céder la place temporairement à Joe Biden, alors j’en conclus qu’il n’y aura pas de guerre en Ukraine. »
Note de la direction : 1) Trump n’a pas perdu l’élection; 2) il a plutôt cédé sa place; 3) Temporairement.
Et comment le « système international » a-t-il été « verrouillé par Trump »? Allez savoir.
Qui paie pour des bêtises du genre? Beaucoup trop de bonnes gens, à voir les commentaires de mes assaillants, archifiers de contribuer volontairement à la jouvence informative. Même après, manifestement, des dizaines de fausses annonces démontées de toutes pièces depuis.
Ai-je accepté le débat? Oui et non. En fait, oui, mais à une condition : qu’Alexis Cossette-Trudel reconnaisse préalablement que Trump a bel et bien perdu l’élection en bonne et due forme.
Après quelques grincements de dents, une réponse négative et multiples relances de sa part, je pose la question suivante : « À combien de reprises as-tu menti à ta secte sur le retour de Trump? L’armée? Le Deep State? Et les rembourses-tu, une fois qu’ils réalisent l’arnaque? »
Il ne répond maintenant plus. Silence radio.
Au-delà de l’anecdote, la morale de l’histoire: que sans lien rationnel, nos démocraties, sinon civilisations, achèvent. Et si quelqu’un a une solution en poche, qu’il la crie. Vite et (très) fort.