Mobilité

Parce que, même au volant, on s’endort sans le savoir…

L’occupant du simulateur soutient qu’il va très bien : «Non, non, je ne m’endors pas», dit-il aux experts qui scrutent sa conduite. Pourtant, tous les signes de la fatigue au volant sont enregistrés : vision fixe, manœuvres erratiques, vitesse instable…

Sur la route comme sur l’oreiller, on ne sait jamais vraiment à quel moment «l’endormitoire» nous prendra. On pense pouvoir prévenir la chose, mais malheureusement, on n’est pas toujours conscient d’être sur le point de s’endormir. On peut même croire être en état d’alerte, alors qu’on a déjà commencé à s’assoupir.

C’est ce qu’ont découvert, avec étonnement, les spécialistes du Laboratoire de conduite de l’Université de Montréal : «Les gens tombent en hypovigilance sans s’en rendre compte, rapporte le directeur Jacques Bergeron. Ils nous disent être dans leur état normal, mais tout dans leur comportement montre qu’ils sont sur le point de faire une fausse manœuvre ou de perdre le contrôle.»

Résultat? La somnolence au volant est la troisième cause de mortalité sur les routes du Québec, dit la SAAQ – après la vitesse et l’alcool. Elle entraîne en moyenne 116 décès et près de 10 000 blessés par année dans la Belle Province. Pour l’ensemble du pays, cette cause serait à l’origine d’un accident mortel sur cinq.

Une problématique sous-estimée
Surpris, n’est-ce pas? C’est pourquoi la SAAQ met en branle aujourd’hui sa toute première campagne publicitaire contre la fatigue au volant. Cette campagne de presque un million de dollars, qui se déroulera jusqu’à la mi-août, aura pour point central une publicité télévisée où on voit un conducteur «cogner des clous»… jusqu’à ce qu’une main gantée vienne lui fermer les yeux à tout jamais. Avouez, ça nous est tous arrivé. Des pensées qui vagabondent, des yeux difficiles à garder ouverts, de grands bâillements, la vision qui se brouille… Autant d’alertes (voir notre encadré) qui indiquent qu’on devrait s’arrêter dans un endroit sécuritaire et piquer un petit roupillon.

Mais… trop peu considèrent la fatigue au volant comme une cause principale d’accident. Un sondage de la Fondation de recherches sur les blessures de la route a révélé qu’à peine 15 % des gens qui somnolent au volant se garent pour se reposer. Même qu’un conducteur canadien sur cinq se serait assoupi ou aurait été sur le point de s’assoupir au volant au moins une fois au cours des 12 mois précédant l’enquête.

Ivre de fatigue
Bref, la fatigue au volant touche tous les conducteurs, mais ceux-ci ont rarement conscience de ses dangers. Alors, soyons clairs : une personne qui est en déficit de cinq heures de sommeil verra ses réflexes réduits, sa concentration diminuée et sa vision devenir aussi peu «périphérique» que si elle avait bu deux ou trois verres de vin. Cette nuit écourtée est suivie de plus de 20 heures d’éveil? C’est pire qu’un taux d’alcoolémie de 0,05 mg. D’ailleurs, lorsque interrogés par la AAA Foundation for Traffic Safety, neuf policiers américains sur dix disaient avoir déjà intercepté au moins un automobiliste qu’ils croyaient être en état d’ébriété… alors qu’il était victime de somnolence au volant.

Ça ne pardonne pas
Les accidents reliés à la fatigue au volant ont des dénominateurs communs : ils surviennent habituellement sur une voie rapide, ils se produisent généralement la nuit, mais aussi en milieu d’après-midi et, quatre fois sur cinq, ils n’impliquent qu’un seul véhicule. Et ils ne pardonnent pas : dans 80 % des cas, ils sont mortels. C’est dire que, la plupart du temps, celui ou celle qui se sera endormi(e) au volant ne sera plus là pour raconter son histoire. Les jeunes sont plus à risque (et davantage représentés dans cette problématique routière), parce qu’ils ont besoin de plus de sommeil que les personnes âgées. Souvenez-vous de cette époque où vous deviez faire «le tour du cadran» pour être bien reposé…

Mieux vaut dormir… plutôt que guérir
Carburer au café? Activer la climatisation? Hausser le volume de la radio? Ça peut momentanément aider, mais en aucun cas, ça ne chasse la somnolence. Mieux vaut donc dormir… plutôt que guérir. Une bonne nuit de sommeil avant un grand trajet, c’est gagnant. Ce trajet, on le planifie idéalement de jour, et il ne devrait pas dépasser huit heures. Après quoi, on s’offre une autre bonne nuit de repos – pas une sieste à la sauvette sur la banquette du véhicule garé dans une halte routière…

Des repas légers, pas d’alcool, une bonne aération de l’habitacle, un pare-brise bien nettoyé pour éviter la fatigue visuelle, des pauses fréquentes (les experts recommandent dix minutes toutes les deux heures), voilà autant de chances à mettre de son côté. Une constante demeure : ne faites pas le Superman. Ne pensez pas que vous saurez prévenir le moment où vous allez vous assoupir – encore moins si vous êtes du genre à vous endormir avant que votre tête touche l’oreiller.

Alors, ne vous fatiguez pas (!), il n’y a qu’un remède : dès les premiers signes de somnolence au volant, arrêtez-vous dans un endroit sécuritaire et dormez, même si ce n’est que 15 minutes. C’est quoi, 15 minutes, contre un accident qui a toutes les chances d’être fatal?

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