Les écoliers d’aujourd’hui grandissent avec les nouvelles technologies, mais les établissements scolaires qu’ils fréquentent parviennent-ils à suivre la tendance? C’est la question que s’est posée Métro.
Impensable d’imaginer le Québec privé de l’internet et de tous les gadgets électroniques qui ont suivi l’arrivée du cyberespace depuis une quinzaine d’années. Pourtant, étonnamment, les salles de classe de la province n’ont pas encore intégré, dans leur ensemble, ces outils devenus indispensables pour la très grande majorité de la population. «Ça a évolué beaucoup depuis les débuts, mais un écart se creuse de plus en plus entre les enseignants qui intègrent la technologie dans leur classe et ceux qui ne l’ont pas encore fait», affirme Martine Rioux, rédactrice en chef de la revue web École branchée.
Et les effets de cet écart peuvent être dévastateurs. «Les jeunes sont bien au fait de toute la nouvelle technologie. Ils savent comment l’utiliser. Et quand ils ne retrouvent pas cette réalité dans la classe, ils se désintéressent vite de ce qui se vit à l’école.» Dans certaines commissions scolaires, l’arrivée des ordinateurs, de la vidéoconférence et de l’internet a fait faire un bond de géant aux petites écoles des régions éloignées. La Commission scolaire des Laurentides, par exemple, a rapidement affecté l’un de ses conseillers pédagogiques, Michel Perreault, à cet enjeu.
Grâce au travail de M. Perreault et de ses collègues, quatre petites écoles du nord de cette région, qui devaient fermer leurs portes en raison du peu d’élèves qui les fréquentent, se sont retrouvées branchées sur le reste du monde. L’enseignement par vidéoconférence y est utilisé, de même que les projets en réseau entre élèves des différentes écoles. «On brise l’isolement. De cette façon, les élèves ne se sentent pas abandonnés.»
Michel Perreault indique cependant que le cyberespace et ses outils peuvent entraîner des dérapages. Par exemple, on retrouve parfois des propos haineux sur le réseau social Facebook. «On n’a pas de balises fixes pour savoir jusqu’où on peut aller. Il nous faudrait un genre de cadre de référence pour l’utilisation des réseaux sociaux. Mais le ministère ne veut pas se mouiller.»
Au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, notre demande d’entrevue a été refusée. La porte-parole, Esther Chouinard, s’est contentée de répondre, par courriel, que «le ministère analyse actuellement les orientations qu’il prendra et pourra en dire davantage d’ici les prochains mois.» «C’est un discours que je connais, soupire Martine Rioux, qui analyse ce secteur de l’enseignement depuis 10 ans. Ça fait plusieurs années qu’on attend. Il y a beaucoup d’enseignants, surtout ceux qui sont très technos, qui se désespèrent.»
Thérèse Laferrière, professeure en éducation à l’Université Laval, indique que l’intégration de toutes ces technologies est complexe. «Rares sont les endroits sur la planète où il y a des plans orchestrés. C’est au Royaume-Uni qu’on est allé le plus loin jusqu’à présent.» explique-t-elle. Mme Laferrière, qui assume la direction du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire, croit que la formation des maîtres est un point majeur qu’il faudra réviser.
Lorsqu’on lui demande si les futurs enseignants québécois sont adéquatement formés pour modifier leur approche en classe, la chercheure répond sans hésiter par la négative et prédit une nécessaire réforme despratiques des enseignants. «Les salles de classe du Québec seront, un jour ou l’autre, des classes en réseaux», conclut-elle.
Des écoles prennent de l’avance
Certaines commissions scolaires ont décidé de prendre le taureau par les cornes en matière de technologies de l’information. Dans la région de Québec, l’école secondaire Les Compagnons de Cartier a, et de loin, dépassé beaucoup d’établissements à ce chapitre. Le programme PROTIC, instauré depuis la fin des années 1990, a permis de mettre en place des salles de classe en réseau.
Par ailleurs, la Commission scolaire de langue anglaise Lester-B.-Pearson, à Montréal, annonçait fin janvier qu’elle allait intégrer à son programme d’étude un cours de citoyenneté numérique. Le but : informer et former tous les élèves, le personnel et les parents sur l’utilisation «responsable» de la technologie. Au moment de la conférence de presse, le président de la commission scolaire, Marcus Tabachnick, expliquait aux médias que le cyberespace et ses différentes composantes sont incontournables. «Le but est de maîtriser cette nouvelle technologie de manière sécuritaire pour enrichir l’enseignement et les apprentissages. Il n’est plus possible de bannir la technologie de nos écoles et de nos centres.»