Un jeu vidéo de grande envergure peut-il traiter de sujets aussi importants que le cinéma ou la littérature? David Cage le croit. Rencontre avec le créateur de Detroit: Become Human, qui signe ici ce qui s’annonce comme son meilleur jeu à ce jour.
Detroit: Become Human est en quelque sorte un film interactif, où le joueur contrôle à tour de rôle trois androïdes dans un futur rapproché. Le jeu qui sera lancé le mois prochain sur PS4 est probablement le plus complexe du genre, avec une quantité impressionnante d’embranchements et des milliers de pages de scénario.
«Nous abordons des thèmes rares dans le jeu vidéo, comme la ségrégation, le racisme, les droits civiques et l’oppression. Nous savons que ce sont des sujets sensibles, mais nous essayons de faire quelque chose de différent. Nous ne croyons pas qu’un jeu devrait être seulement du plaisir et de l’adrénaline», explique David Cage.
Certains journaux ont par le passé critiqué Detroit: Become Human pour avoir intégré des scènes de violence domestique, mais le créateur d’Heavy Rain et de Beyond: Two Souls ne croit pas que son média devrait être restreint dans les thèmes qu’il aborde. «Il n’y a pas de limites. Tout ce qu’on peut exprimer dans un film, un livre ou une série télé devrait pouvoir être traité dans un jeu. Il y a différentes manières de le faire, cela peut être réalisé d’une façon sensible ou vulgaire, mais aucun thème ne devrait être interdit.»
Bref, Quantic Dream a le droit de traiter de sujets du genre, et ce sera à la presse et aux joueurs de juger si le studio l’a fait de la bonne façon ou non.
De l’anticipation, et non de la science-fiction
En 2038, la firme de Detroit CyberLife fabrique des androïdes des plus réalistes, qui accomplissent désormais le travail d’une bonne partie de l’humanité. L’histoire qu’a choisi de raconter David Cage pour son nouveau jeu est celle de Markus, Kara et Connor, trois androïdes qui se découvrent une conscience dans ce futur rapproché.
La minutie avec laquelle les États-Unis du futur ont été recréés par Quantic Dream impressionne. Tous les moindres détails ont été pensés, des vêtements que portent les citoyens au fonctionnement des véhicules autonomes en passant par les répercussions de l’arrivée des robots dans toutes les sphères de la société.
«Nous avons fait un travail d’anticipation, et non de science-fiction», précise David Cage. Chaque élément de Detroit: Become Human est conçu en extrapolant l’état de la recherche actuelle. «La seule entorse qu’on a faite, ce sont les androïdes eux-mêmes. Je ne sais pas s’il y aura des robots qui nous ressembleront comme ça».
Le réalisme de Detroit: Become Human est particulièrement apparent dans ce qui n’a pas changé dans le Detroit du futur. Un personnage que l’on rencontre au début du jeu, Todd, vit par exemple dans une vieille maison décrépite, qui pourrait très bien exister aujourd’hui, si ce n’était de son téléviseur holographique géant et de son androïde domestique. «Ces vieilles maisons ne disparaîtront pas dans 20 ans», explique l’auteur et réalisateur du jeu.
Un premier essai convaincant
J’ai eu l’occasion d’essayer récemment les deux premières heures de Detroit: Become Human avant son lancement. Rarement un jeu m’aura accroché aussi rapidement.
Les décors et les personnages sont superbes, et l’interactivité est assez présente pour nous donner l’impression que l’on joue à un jeu, et non que l’on regarde un film. On suit une histoire tracée d’avance (chaque scène se termine d’ailleurs par une arborescence qui montre toutes les voies qu’il aurait été possible d’emprunter), mais les choix qui nous sont offerts sont assez variés et souvent assez bien cachés pour nous permettre d’avoir l’impression que l’on décide réellement de notre chemin. Bref, Detroit: Become Human devrait plaire à ceux qui considèrent que les titres trop narratifs ne sont pas suffisamment interactifs pour être considérés comme des jeux vidéo.
C’est toutefois surtout le récit lui-même qui m’a séduit. Pour la première fois, j’ai lu tout le contenu supplémentaire éparpillé dans Detroit (comme des magazines oubliés sur les tables) avec un intérêt véritable. L’histoire des trois personnages principaux est intéressante, et celle du monde dans son ensemble l’est tout autant.
Quantic Dream est l’un des rares studios à n’avoir jamais fait de suite à ses jeux, mais on dirait d’ailleurs que c’est du gaspillage que de limiter Detroit: Become Human à une seule aventure.
«C’est vrai, nous n’avons jamais fait de suite. Nous sommes poussés par la créativité, et nous avons toujours voulu aller voir ailleurs après nos projets», reconnaît David Cage.
«En même temps, Détroit est un cas un peu particulier. On a créé un univers riche et dense, et il y aurait tellement d’histoire à raconter. On n’a pas fait de suite jusqu’ici, mais il ne faut jamais dire jamais. Pourquoi pas…», ajoute le réalisateur avec un petit sourire.
Detroit Become Human sera lancé en exclusivité sur la PS4 le 25 mai.