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Jami: une messagerie québécoise contre les GAFAM

Alors que la confiance envers Google, Facebook et les autres est à son plus bas, l’entreprise montréalaise Savoir-Faire Linux lance un nouveau logiciel de messagerie privé et sécuritaire.

Un message texte envoyé d’un téléphone à un autre, une conférence vidéo entre collègues sur leurs ordinateurs Mac, Windows ou Linux, un appel audio entre un iPhone et une télé connectée Android, des documents partagés entre une tablette et un ordinateur : Jami vient peut-être tout juste de débarquer dans les boutiques d’applications, mais déjà, le logiciel de Savoir-Faire Linux possède assez de fonctionnalités pour rivaliser avec les Skype et Hangout de ce monde.

Jami est toutefois plus qu’un énième service de messagerie. Celui-ci est doté d’avantages de taille pour les entreprises et les particuliers qui ont leur vie privée à cœur: son code source est ouvert, le service est gratuit et les conversations sont chiffrées, ce qui les protège des regards indiscrets. Et, chose encore plus rare, elles ne passent pas par un serveur central. Les messages sont envoyés d’un appareil à l’autre directement, et les utilisateurs sont mis en relation à l’aide d’un protocole décentralisé rappelant le BitTorrent.

«On a eu l’idée du logiciel en 2012, après l’affaire Snowden», explique le président-directeur général de Savoir-Faire Linux Cyrile Béraud, rencontré dans les bureaux de l’entreprise dans le quartier Villeray à Montréal.

Le développement de Jami s’est avéré complexe. Savoir-Faire Linux a dû développer de nouvelles technologies et acquérir plusieurs expertises, par rapport notamment aux chaînes de blocs (une technologie à la base des cryptomonnaies comme le bitcoin). L’entreprise a d’ailleurs eu de l’aide du programme Google Summer of Code, de Polytechnique Montréal, de l’Université du Québec à Montréal et de la communauté du logiciel ouvert partout à travers le monde pour lancer sa messagerie.

Pourquoi une plateforme décentralisée?
Les avantages d’une plateforme décentralisée sont nombreux. «Quand vous créez un compte Skype, vous donnez vos données à Microsoft», illustre Christophe Villemer, vice-président exécutif de Savoir-Faire Linux. Avec Jami, chacun conserve ses propres informations personnelles.

Pour Savoir-Faire Linux, la technologie permet aussi à son service de croître d’une façon exponentielle, sans pour autant faire exploser ses coûts. «Signal et Telegram (NDLR : deux services de messageries chiffrées) possèdent leurs propres infrastructures. S’ils gagnent un milliard d’utilisateurs, ils doivent payer pour leurs serveurs», note Adrien Béraud, directeur du projet Jami.

Avec son fonctionnement décentralisé, qui utilise les ordinateurs et appareils mobiles sur lesquels l’application est installée, Jami deviendrait au contraire encore plus performant avec un milliard de nouveaux utilisateurs, sans générer plus de coûts. Détail intéressant, Jami fonctionne aussi sur un réseau local, même sans accès à l’Internet, ce qui ouvre la possibilité à l’adapter pour les villes intelligentes et les objets connectés, par exemple.

La technologie vient aussi avec ses problèmes. Le réseau est en effet moins performant lorsque peu d’utilisateurs y sont connectés et un message ne peut être envoyé à un utilisateur qui n’est pas en ligne (puisqu’il n’est pas enregistré dans un serveur central comme ce serait le cas avec une messagerie traditionnelle). «Ce sont des défis technologiques sur lesquels nous allons travailler», assure toutefois Adrien Béraud.

Créer le prochain courriel
Jami continuera d’évoluer en 2019, notamment avec l’ajout de discussions de groupes, un peu à la manière du populaire logiciel Slack. À plus long terme, l’objectif de Savoir-Faire Linux est d’en faire une plateforme que tout le monde utilise, du grand public au secteur privé en passant même, qui sait, par les GAFAM (le surnom donné à Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

L’idée n’est pas aussi saugrenue qu’elle en a l’air à première vue. «Le courriel est ouvert, et tous les GAFAM ont leur logiciel compatible», illustre Adrien Béraud. Rien n’empêcherait donc Google de remplacer son service Hangout par un équivalent doté de la technologie Jami, par exemple. «Pour nous, ça ne changerait rien, et ça rendrait le réseau encore plus robuste», ajoute-t-il.

L’idée séduit. Il ne faut pas absolument posséder un compte Hotmail pour envoyer un courriel à quelqu’un doté d’une adresse Hotmail. Pourtant, les applications de messagerie comme Skype, Facetime et Messenger sont toutes incompatibles entre elles. La technologie de Jami serait-elle enfin la solution pour mettre fin à ces écosystèmes de messageries éclatés?

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