Vous avez entendu parler (ou plutôt vu des photos) des «teacup pigs» (cochons minuscules)? Ces adorables petites bêtes restent toutes petites même à l’âge adulte, nous dit-on. Elles sont mignonnes, et font tout sensation sur Instagram.
Écoutez, vous travaillez fort, et vous méritez une petite pause adorable. Voici donc trois photos de «teacup pigs»:
Oh!
Mais non!
Allez-y, flattez votre écran, on ne vous jugera pas.
L’inspecteur viral vous donne quelques instants pour vous ressaisir.
…
Bon! Ça va? Parfait! Parce que l’inspecteur va détruire vos rêves: les «teacups pigs», ces cochons qui restent si petits qu’on peut les trimbaler dans nos bras tout au long de leur vie, n’existent pas. Ils sont 100% inventés, une pure illusion, une hallucination collective alimentée par les réseaux sociaux.
QUOI??
L’inspecteur viral est allé visiter Valérie Larose, une éleveuse de cochons miniatures à Shefford, en Montérégie. Que répond-elle lorsqu’on lui demande si on peut avoir un «teacup pig»?
«Non, en fait, c’est impossible, répond-elle. Un micro cochon va être adulte à l’âge de 3 ans, atteindra une taille de 13po. à 17po. (33cm à 43cm) de hauteur, et va peser de 35lbs à 70lbs (16kg à 32kg). Il aura la taille d’un chien moyen.»
Mme Larose effectue depuis des années des croisements entre des petits spécimens pour obtenir le plus petit cochon possible. Malgré cela, elle ne peut pas garantir que ses cochons resteront beaucoup plus petits que 50lbs (23kg). Selon elle, certains spécimens inhabituels peuvent rester très petits, mais on ne peut pas garantir que leurs porcelets auront une taille similaire.
Vous direz peut-être qu’un cochon de 23kg, ce n’est pas «micro». Mais ces cochons sont absolument miniatures quand on les compare aux cochons de ferme, qui peuvent facilement atteindre un poids de 800lbs (363kg).
D’ailleurs, voulez-vous voir de quoi a l’air un vrai micro cochon? Eh bien voici:
Dans cette photo, on peut voir Geisha avec ses trois cochonnets. Geisha a 4 ans et pèse près de 55 lbs (25 kg). Geisha ne ressemble pas aux «teacup pigs» qui font fureur sur Instagram. L’inspecteur viral n’a pas tenté de soulever Geisha; il doit avouer qu’elle était un peu intimidante.
En fait, il est intéressant d’aller consulter les comptes Instagram de «teacup pigs», puisqu’on peut voir sur plusieurs d’entre eux la date de naissance de leur star porcine. On s’aperçoit très vite que presque tous ces cochons sont nés en 2015 ou 2014. Ils ne sont donc pas adultes et continueront à grandir.
Bref, ce sont des bébé cochons! Adorables, oui. Mais ce ne sont pas des cochons magiques qui resteront minuscules toute leur vie.
Une arnaque
Si les cochons grandissent jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans, ils peuvent se reproduire très tôt. Les femelles peuvent s’accoupler dès l’âge de 6 mois, les mâles, dès l’âge de 4 mois.
Des éleveurs peu scrupuleux exploitent cette particularité en accouplant des cochonnets. Lorsqu’un acheteur potentiel demande ce que son cochon aura l’air à l’âge adulte, l’éleveur lui montre ses parents, qui sont minuscules. Or, les parents sont eux-mêmes loin d’atteindre leur taille maximale.
Des gens ont ensuite une mauvaise surprise quand leur adorable petit «teacup pig» se met à grandir… et grandir… et grandir.
Kara Burrow dirige depuis 2010 Ralphy’s Retreat, un refuge pour cochons abandonnés à St. Williams en Ontario. Elle est dégoûtée par l’engouement pour les «teacups pigs» créé par les réseaux sociaux. Elle déplore aussi la malhonnêteté de certains éleveurs.
«Je dis toujours au gens: on ne peut pas faire un chihuahua avec un danois. Les cochons ne sont pas conçus pour être minuscules, se désole-t-elle. Au refuge, j’ai trois cochons qui ont été produits par un éleveur de «teacup pigs». Le plus petit pèse 150lbs (68kg), et il n’a que 3 ans.»
Elle explique que certains éleveurs refilent à des acheteurs des cochons nains vietnamiens, et que ceux-ci atteignent en moyenne un poids de plus de 46kg (100lbs) lorsqu’ils atteignent l’âge adulte.
D’après elle, beaucoup de gens achètent un cochon miniature, puis l’abandonnent lorsqu’il devient trop gros. Par conséquent, son refuge est à pleine capacité. «Il y a quelques semaines, j’ai reçu 7 appels concernant des cochons abandonnés en une seule journée, témoigne-t-elle. C’est triste. Il y a des centaines de cochons que je ne peux pas aider.»
Elle affirme recevoir plusieurs appels du Québec. La Société pour la prévention de le cruauté envers les animaux (SPCA) de Montréal lui envoie d’ailleurs des cochons. C’est malheureux, puisque les cochons, très affectueux selon elle, vivent souvent mal une séparation avec leurs maîtres.
«C’est très dur pour un cochon de se faire abandonner, puisqu’ils vivent un deuil de leurs maîtres, se désole-t-elle. Il peuvent mourir d’un cœur brisé. Je vous le jure. Ils vont se laisser mourir parce qu’on les a abandonné.»
Comme si cette histoire n’était pas assez horrible, Mme Burrow fait savoir que certains éleveurs ralentissent la croissance de leurs porcelets en ne leur donnant pas assez à manger. Ces cochons restent en effet plus petits, mais ont toute une kyrielle de problèmes de santé.
Voulez-vous toujours un «teacup pig»?
Mme Larose s’assure d’ailleurs que ses acheteurs voient un micro cochon adulte avant d’adopter un cochonnet. Elle leur fait en outre signer une entente comme quoi ils n’ont pas le droit de l’abandonner ou de le revendre, et qu’ils doivent le lui rapporter si jamais ils ne peuvent plus le garder. Elle vérifie aussi si ses acheteurs savent comment s’occuper d’un cochon, et s’ils ont l’espace nécessaire pour l’accueillir.
Mme Burrow indique que les cochons sont très intelligents et ont besoin de stimulation mentale. Si on les laisse seuls toute la journée, ils ont tendance à être destructifs. Elle fait aussi savoir qu’il n’est pas souhaitable d’adopter un cochon à moins qu’on dispose d’une grande cour où on lui a construit un petit habitat chauffé. Elle déconseille fortement l’adoption d’un cochon si on habite un appartement.
Mme Burrow conclut en mentionnant que les cochons sont interdits dans la plupart des villes québécoises et ontariennes. Vérification faite, les cochons n’apparaissent pas sur la liste des animaux de compagnie permis par la Ville de Montréal.
Il est donc illégal d’en posséder un à Montréal, et l’amende pour une première infraction peut aller jusqu’à 300$.
Donc voilà! La morale de l’histoire: NE PAS SE FIER À INSTAGRAM POUR CHOISIR UN ANIMAL DE COMPAGNIE.