Il faut l’admettre: à la course aux oppressions, personne ne gagne. Or, il y a quand même des tendances générales qui ne peuvent être niées. L’homicide de la jeune Gabby Petito survenu tout récemment a attiré l’attention de la presse dans de nombreux pays. Pourtant, bien que leurs vies soient fauchées dans des proportions alarmantes, les disparitions et les meurtres de femmes racisées ou autochtones ne soulèvent pas autant les passions. Plusieurs vont même jusqu’à qualifier le phénomène de «syndrome de la femme blanche disparue».
C’est un énième exemple du deux poids, deux mesures. Une illustration d’une empathie et d’une indignation populaire à géométrie variable. Cette disparité fut encore une fois soulevée par de nombreuses femmes racisées lors de la découverte du corps de Sabina Nessa, une enseignante de 28 ans de Londres, et ce, il y a quelques jours à peine.
Le Québec n’est pas en reste. En septembre 2008, les jeunes Maisy Odjick et Shannon Alexander disparaissaient à Maniwaki, à proximité de la communauté autochtone de Kitigan Zibi. Or, à l’époque, on en a peu entendu parler. C’était plusieurs mois après la disparition de Cédrika Provencher, qui a bouleversé toute la province.
Ce sont les années, voire les décennies de militantisme de femmes et de filles autochtones qui ont permis de mettre cet enjeu sur le radar de l’opinion publique, et non pas sans heurt. C’était dans ce contexte qu’en 2015, le gouvernement fédéral avait annoncé la mise sur pied de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Comprenez-moi bien. Peu importe les circonstances, répondre à un parent qui vient de perdre son enfant «je souffre plus que toi» est une réponse qui déshumanise. Je suis d’avis que si l’on veut vraiment croire que tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits, ça implique aussi de donner à tout.e et chacun.e le même droit à l’empathie. Ainsi, on peut tout à fait s’indigner que des femmes et des filles blanches disparaissent et meurent tout en espérant que nos médias accorderont la même attention aux disparitions de personnes issues de communautés marginalisées et racisées. Ce ne sont pas des phénomènes qui s’excluent mutuellement. Un décès ou un enlèvement, c’est toujours un décès ou un enlèvement de trop.
Comparer et hiérarchiser la douleur des gens sur la base d’une première impression est un exercice périlleux, hautement subjectif et souvent contre-productif. Car même des gens ayant des privilèges apparents peuvent tout à fait savoir ce qu’avoir mal signifie. On ne sait jamais ce que les gens ont vécu derrière des portes closes. Ayant été formée comme travailleuse sociale, je sais pertinemment que tout le monde a une histoire qui n’a jamais été racontée à quiconque. Certaines de ces histoires, que j’ai eu le privilège de recevoir au cours des années, pourraient surprendre le commun des mortels.
Toutefois, il n’en demeure pas moins que des biais sont reproduits dans la couverture médiatique de ces tragédies que ce soit à Londres, aux États-Unis ou encore chez nous. Et le message laissé à certain.e.s vivant.e.s qui pleurent leurs morts peut s’en retrouver dangereusement tronqué: que certaines vies valent moins que d’autres. Et ça aussi, ça tue, mais à petit feu.