Un ami, Steeven-Dave pour ne pas le nommer, était très tanné de m’entendre dire que les journalistes sportifs qui couvrent Canadien sont des vendus, pour ne pas dire des véhicules publicitaires du club.
Steeven-Dave m’a offert pour Noël un livre en me disant: «Tiens, tu liras ça ; après, tu vas arrêter de vouloir que les journalistes de Canadien soient objectifs.» Ce livre, c’est Penser dans un monde mauvais, du philosophe français Geoffroy de Lagasnerie, paru aux PUF. Steeven-Dave avait raison. Voici pourquoi.
Jusqu’ici, je croyais qu’il fallait penser le travail des journalistes, autant que celui des intellectuels et des scientifiques, comme devant viser la compréhension objective et l’explication du monde, et non pas comme devant exercer une influence dessus.
Or, dans un monde qui va mal et où les injustices et la violence sont des éléments de la vie courante, tout autant que les saisons de marde de Canadien, Lagasnerie se demande: «Comment doit-on penser?»
Selon lui, tout auteur ou travailleur de la pensée cautionne le système en place s’il demeure neutre. Au contraire, pour travailler dans le sens des vraies valeurs humaines, il faut selon lui prendre position. S’engager. Qu’on soit un intellectuel, un scientifique ou un journaliste de Canadien.
Améliorer le sort
Ainsi, quand j’entendrai désormais Félix Séguin, à TVA Sports, dire «nous» en parlant de Canadien, ou encore lorsqu’un journaliste réclamera vertement le congédiement de Marc Bergevin afin d’améliorer la situation, je me dirai qu’ils posent un geste bon dans un monde mauvais.
Et que celui qui souhaite, comme moi jadis, discréditer les journalistes sportifs engagés envers Canadien devra répondre à Lagasnerie, qui nous rappelle anyway que toute parole dans ce monde est politique.
Le culte de l’objectivité lui-même serait politique, voire subjectif. Mais nous ne sommes pas capables de le voir, tel un blindside hit.
Or, considérant que le monde est à la dérive, et pour reprendre le cas de Canadien, que la situation en est une de danger de mort, ce qui devient mystérieux, c’est de voir des journalistes choisir de ne pas s’impliquer pour améliorer le sort de Canadien.
S’inspirant de l’École de Francfort, Lagasnerie en arrive même à cette conclusion, sous forme de question : «À quoi sert la mystique de la connaissance pure, de l’autonomie du savoir? Pourquoi existe-t-il, ce désir de ne servir à rien?»
Bref, quand vous lirez la prochaine analyse de Martin Leclerc, ce journaliste sérieux et objectif de Radio-Canada, dites-vous que, pendant qu’il ne sert à rien, des journalistes comme Martin McGuire tente de sauver Canadien, au mieux, de le transformer. Et c’est ça qu’il faut, mes amis.