Dimanche soir, le party de clôture a marqué la fin des Jeux de Rio, et les Cariocas se sont réveillés lundi avec la gueule de bois en se demandant si tout cela aura valu la peine. Bon, je le concède, la sueur n’a pas encore séché sur les fronts des athlètes (et les Jeux paralympiques commencent à leur tour), et me voici que je pose une question rabat-joie. Mais il est bon de battre le fer pendant qu’il est encore chaud et que le souvenir des événements est vif.
À l’ombre des Jeux, des milliers de Brésiliens ont déjà en quelque sorte posé la question, manifestant à de multiples occasions et à divers endroits contre les multiples violations des droits de la personne : expropriations de dizaines (sinon de centaines) de milliers de résidants pauvres, violence policière et promulgation par le gouvernement fédéral d’une «Loi générale relative aux Jeux olympiques». Celle-ci a imposé des restrictions quant aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique dans de nombreux secteurs de la ville hôte, comme l’a rapporté Amnistie internationale. Sans oublier ces 15G$ qui ont été dépensés alors même que le gouvernement a imposé des compressions massives en éducation, en santé et dans d’autres services publics.
Pourquoi des gouvernements, désespérément en quête de revenus pour équilibrer leurs budgets, se lancent-ils dans cette folie dépensière? Leur volonté de le faire s’est justement dégonflée ces derniers mois. Le maire de Québec, Régis Labeaume, n’est pas le seul à avoir perdu sa flamme pour les Jeux olympiques: Oslo a annulé sa candidature pour les JO d’hiver en 2022. Avant eux, Stockholm a retiré la sienne. Idem pour Munich, Barcelone et Davos.
Les raisons varient pour expliquer cette frilosité. Il y a les coûts exorbitants, mais aussi le manque de soutien des populations, qui ont constaté que les Jeux ne sont pas au service de leurs intérêts supérieurs. Les Jeux incitent à la surconstruction à une échelle colossale; l’urgence dans laquelle les infrastructures sont érigées et les quartiers réfectionnés ne permet pas une planification efficace; et la tenue des Jeux n’engendre pas les bénéfices économiques si longtemps vantés.
L’exaltation des spectateurs de voir des humains se dépasser, la fierté des populations qui célèbrent leurs héros, les récits de vie émouvants des athlètes: ces plaisirs ne suffisent plus à justifier les violences sociales, politiques, environnementales et économiques qui accompagnent souvent l’organisation des JO.
Voici une proposition toute simple : pourquoi ne pas tenir les Jeux dans la même ville? Cela permettrait de conserver la tradition, tout en évitant bon nombre des problèmes qui viennent avec. Un foyer permanent pour les JO. Pourquoi pas? Pendant 800 ans, les Jeux olympiques de l’Antiquité étaient tenus à Olympie.
Au XXe siècle, les Jeux permettaient à des villes méconnues d’être révélées à la planète, comme ce fut le cas pour Montréal. C’était avant l’internet et la démocratisation des voyages internationaux.
L’idée a déjà circulé sans vraiment recueillir d’appuis. Mais le statu quo semble intenable. Compte tenu du manque d’enthousiasme des villes à se sacrifier pour les héberger, il n’est pas fou de croire que les Jeux olympiques ne seront plus organisés de la même façon dans les décennies à venir.