Un jour de cet été, j’étais à Agadir, la capitale marocaine du tourisme balnéaire. La mer turquoise et le ciel bleu azur auguraient une journée impeccable. Mais quelque chose ne collait pas dans ce paysage: à part quelques touristes, mon regard n’a pas croisé de femme locale en bikini! Que des nageuses en burkini ou en maillots couverts par des tee-shirts et des bermudas ou même des pyjamas! J’ai fait le même constat plusieurs fois sur d’autres plages du royaume.
J’ai quitté le Maroc il y a presque une décennie et demie et je me souviens de plages marocaines où cohabitaient des femmes en bikini, d’autres en maillot une pièce et certaines couvertes de la tête au pied. Mais aucun burkini!
Il y a sept ans, je suis rentré pour la première fois au pays et j’ai renoué avec les plages du royaume, notamment celle d’Agadir. Certes, il y avait plus de femmes voilées qu’avant, mais la cohabitation persistait!
Sept autres années plus tard, plus de Marocaines en bikini ou presque!
Dans le Maroc d’il y a 20, 30 ou 40 ans, des Marocaines en bikini étaient visibles sur les plages. Pourtant, dans ce Maroc-là, les femmes accédaient graduellement à l’école et au marché du travail.
Paradoxalement, dans le Maroc de ce début de millénaire, alors que les femmes sont plus éduquées qu’auparavant, qu’elles sont ministres, ambassadrices, chefs de grandes entreprises et même mairesses, le bikini semble presque disparaître des plages et des piscines publiques. Aucune loi et aucun maire n’ont interdit le port du bikini sur aucune plage ou piscine publique marocaine.
De plus, par le passé, l’épouse du roi du Maroc était invisible sur la place publique. Or, aujourd’hui, l’épouse de Mohammed VI est devenue un visage public. Des magazines locaux consacrent à Lalla Salma leur couverture et on l’y voit en tailleurs chics ou en caftans marocains. Cette princesse qui fait de la lutte contre le cancer une priorité ne porte aucun signe religieux!
D’ailleurs, tout récemment, dans un discours largement diffusé dans le monde, Mohammed VI s’est pour la première fois adressé directement à la diaspora marocaine – quelque cinq millions de Marocains sont installés à l’étranger – pour lui demander de défendre un islam tolérant et de contrecarrer le fanatisme, la haine et le repli sur soi sous toutes les formes.
Alors, que s’est-il passé?
J’ai mené une enquête auprès de mon entourage, représentatif de ce qu’est le Maroc d’aujourd’hui. Plusieurs femmes ne se dévoilent plus en public, ni sur les plages, ni dans les piscines, par conviction. Mais d’autres – et elles sont nombreuses – n’osent plus le faire! Les plus aisées préfèrent les plages et piscines privées ou partent à l’étranger, surtout en Espagne, pour nager en paix.
Alors, est-ce un effet de mode qui s’estompera ou une réelle pression sociale conservatrice qui s’est emparée de l’espace public marocain? L’avenir nous le dira.