La scène politique québécoise n’était déjà pas très inspirante depuis quelques années. La démission, coup sur coup, des maires de deux des plus grosses villes du Québec, alors que la Commission Charbonneau nous sert quotidiennement des épisodes des Sopranos, a rendu l’air particulièrement nauséabond.
Disons qu’on était prêts pour une bouffée d’air frais. Un qui semble l’avoir compris, c’est Michael Applebaum. L’ex-président du comité exécutif, démissionnaire d’Union Montréal et maintenant maire par intérim, a été l’instigateur d’une petite révolution en invitant les partis d’opposition à prendre place au comité exécutif de la Ville de Montréal : c’est un peu comme si Pauline Marois avait nommé des ministres libéraux et des caquistes.
Notre culture politique n’est pas habituée à ce genre d’ouverture envers ses «ennemis». Au Québec, comme dans le reste du Canada, le jeu politique est une souque à la corde qui se gagne et se perd au gré des élections. Le passage de l’opposition au pouvoir est perçu comme l’obtention du droit de tirer toute la corde – et la couverture – de son côté.
Pensons-y : le parti au pouvoir à Québec, qui détermine l’agenda du gouvernement pour les prochains mois, a reçu un gros 32 % des voix. Deux fois plus de gens ne voulaient pas du programme péquiste. Ce n’était pas beaucoup mieux en 2008, alors que les libéraux avaient agrippé le volant à deux mains, forts de 42 % des suffrages.
Notre système électoral, pensé à une époque où on croyait que la Terre était plate, ne fonctionne bien qu’en mode binaire, lorsqu’un parti dit blanc et l’autre noir. Quand une troisième ou une quatrième formation politique arrive dans le décor, le système se détraque.
Ce modèle désuet n’est pourtant pas obligatoire. Les Pays-Bas ont tenu des élections générales à la fin de l’été, presque en même temps que le Québec. Cent cinquante sièges étaient en jeu (au Québec, c’est 125). Le parti du gouvernement sortant, le VVD, de centre droit, n’a remporté que 41 sièges. Il s’est donc allié aux 38 députés travaillistes, de centre gauche, pour former une coalition stable qui détient une majorité de sièges. En moins de deux mois, les deux partis ont déjà eu le temps de s’entendre sur un énoncé budgétaire.
On est assez loin du mauvais théâtre d’été auquel on assiste à Québec, alors qu’une majorité de députés s’entend pour dire qu’elle votera contre le budget péquiste… sauf que les libéraux enverront suffisamment des leurs en pause-pipi au moment du vote, afin de ne pas faire tomber le gouvernement. Hypocrite ou enfantin? Choisissez.
Même en Angleterre, d’où vient notre modèle de démocratie parlementaire, les conservateurs et les libéraux-démocrates – l’équivalent de notre NPD – ont trouvé le moyen de s’entendre pour former un gouvernement de coalition avec des ministres provenant des deux partis. Les dernières élections ont eu lieu en 2010. Les prochaines sont prévues pour 2014. Le gouvernement peut donc… gouverner, sans être constamment obsédé par des élections qui pourraient être déclenchées au détour d’un vote de confiance perdu.
L’atteinte d’un compromis représente évidemment plus de travail. Ce n’est pas différent de tout cercle de décision, qu’il soit familial, professionnel ou social. Et des mesures auxquelles auront adhéré au moins deux partis auront plus de chances de survivre à un changement de gouvernement que celles imposées par la force ou la stratégie parlementaire. Sans compter qu’un conseil des ministres multipartite serait moins sujet aux dérives partisanes, où l’intérêt de l’État, du gouvernement et du parti se confondent parfois avec les résultats douteux qu’on a pu constater.
La petite politique perdrait des plumes, mais le Québec gagnerait au change si l’Assemblée nationale adoptait le modèle Applebaum. Le problème est que tout ça demanderait un minimum de maturité de la part de nos élus. Bonne chance…
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.