Deux arrestations, deux hommes, deux histoires et pourtant une même réalité déconcertante. Les scandales entourant Arthur Porter et Gilles Vaillancourt ont un point commun: la capacité de ces deux personnes de projeter un écran de fumée.
Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, direz-vous. Il est vrai que bien des signaux étaient là, prêts à saisir. L’Actualité Médicale et Le Devoir publiaient en 2004 un article sur le passé trouble du Dr Porter. On pouvait y lire qu’arrivé en sauveur au Detroit Medical Center en 1999, il quittait quelques années plus tard dans un climat d’allégations de conflits d’intérêts, de mauvaise gestion, de crise financière, de menace de tutelle. Personne n’a jugé bon de creuser davantage. Au contraire, le premier ministre du Canada le nomme au comité de surveillance du SCRS (le Service canadien du renseignement de sécurité).
En 2009, le rapport du vérificateur général critiquait la gouvernance du projet CUSM et la hausse des coûts estimés. Personne n’a jugé bon de creuser davantage. Au contraire, on a continué d’avancer et le projet CUSM fut octroyé au consortium SNC-Lavalin – Innisfree.
Le projet d’Arthur Porter allait pour le mieux. Premier centre universitaire à amasser les fonds nécessaires, le CUSM fut le premier des deux centres à lever de terre. Arthur Porter marchait sur l’eau. Tout semblait lui réussir. Il devient même l’associé du nouveau chef libéral, Philippe Couillard.
Même scénario à Laval, plusieurs candidats de tous les horizons politiques se voient offrir des enveloppes. Personne n’a jugé bon d’en parler. Au contraire, on nomme le maire au conseil d’Hydro-Québec en 2007.
Selon les témoins de la commission Charbonneau, un nombre considérable d’entreprises de génie et de construction se font dicter leur façon de faire en distribuant des cotes ici et là. Qu’à cela ne tienne, personne ne juge bon d’en parler. Laval gagne des prix, son maire est honoré et on élit le parti du maire fois après fois.
Hypnotisé, envouté ou victime d’aveuglement volontaire? On croit parce que l’on veut croire, parce que l’on a envie de se convaincre que tout va bien. À Laval comme au CUSM, on ne posait pas de questions. Ce qui devait arriver était livré dans les temps. Tout cela était rassurant. On aimerait se dire qu’on ne nous y reprendra plus. Note à nous-mêmes : il faut se méfier de ce qui semble trop beau pour être vrai. Ce qui dégage un parfum de sauveur risque de n’être qu’un mirage.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.