Samedi. Il est 15 h 10 sur la ligne 45 de la rue Papineau en direction nord. À voir leurs doigts qui s’enlacent et cette valse de séduction qu’ils exécutent à la perfection, ils sont probablement ensemble depuis peu.
L’homme, vêtu de noir, doit avoir la jeune trentaine. La femme est légèrement plus âgée, 35 ans peut-être. Ils sont beaux à voir. Leur discussion est intense et leurs regards soutenus ne s’abandonnent pas, ne serait-ce qu’un centième de seconde, à un autre objet que celui de leur amour tout neuf.
On les dirait tous les deux agrippés aux sentiments qui les habitent, comme deux petites chèvres de montagne agiles. Ils sont solides, malgré leurs pattes frêles, l’inclinaison de la pente et les terrains parfois accidentés.
Lui : «Je dois t’avouer que la manière dont tu me regardais hier chez Annie et Sébastien m’intimidait.»
Attention! Terrain fragile. Elle doit se demander si elle a été trop intense. Trop insistante. Pas assez subtile. Trop chasseresse, pas assez mystérieuse. Mais elle réalise aussi qu’elle doit être elle-même. Ici, maintenant. Elle joue donc la carte de la transparence. Elle : «Excuse-moi si je t’ai gêné. J’étais simplement incapable de ne pas te regarder.»
Je salue intérieurement sa franchise. Et du même souffle me sens complètement indiscrète d’épier si franchement ce moment d’intimité à ciel ouvert.
L’amoureux demeure silencieux quelques interminables secondes. Il faut qu’il réponde quelque chose de doux. Maintenant! Sans quoi, il abandonne sa promise face à un ravin et elle entendra bientôt l’écho de son orgueil qui déboule, percutant contre les parois de roc, pour s’écraser des dizaines de mètres plus bas.
Lui : «Ne t’excuse surtout pas. Parce que, si nous sommes là, et si bien, c’est grâce à toi!»
J’ai envie de me lever et de l’applaudir! En fait, j’aimerais ici, là, immédiatement, être seveuse dans un très beau restaurant et leur offrir la meilleure table pour deux. Je leur verserais un verre de vin délicieux, puis leur annoncerais que le dessert leur est offert simplement pour avoir le plaisir de mettre une bougie sur leur morceau de gâteau.