Se faire décapiter, prendre le chemin de l’exil ou résister les armes à la main… Nombreux sont les chrétiens de Syrie et d’Irak qui ont fait une croix sur les deux premiers scénarios pour se battre contre le groupe État islamique (EI).
Menacés d’extermination par les djihadistes, ils s’organisent en milices pour défendre leurs villages afin de ne pas subir le même sort que Maaloula. Il y a deux ans, les islamistes avaient pris d’assaut la localité chrétienne au nord de Damas où est encore parlé l’araméen, la langue du Christ.
Le Conseil militaire syriaque est la principale milice chrétienne en Syrie. Elle s’oppose à Bachar el-Assad, même si l’homme fort de Damas se dit le «protecteur» de toutes les minorités religieuses. En Irak, ce sont la Nineveh Plain Protection Unit et la Dwek Naw-Shah qui sont les fers de lance des chrétiens. Les trois se battent aux côtés des Kurdes qui ont repris Kobané aux djihadistes en janvier. Ces «brigades» commencent à attirer des Occidentaux. Rien de comparable cependant aux barbus nord-américains et européens partis grossir les rangs d’EI, ou même des Français ayant prêté main-forte aux forces chrétiennes libanaises pendant la guerre civile (1975-1990).
«Le phénomène [des milices chrétiennes] date de 2013 au moins et concerne principalement les chrétiens syriaques. Des Syriaques émigrés en Suisse sont revenus et ont amassé des fonds auprès de la diaspora pour monter sur pied ces unités», explique Frédéric Pichon, professeur associé à l’Université François Rabelais (Tours). «Sinon, partout en Syrie et en Irak, les habitants des villages chrétiens ont des armes, mais pour l’autodéfense», précise dans un échange de courriels l’auteur de Syrie: pourquoi l’Occident s’est trompé.
Bien souvent, ceux qui restent et se battent contre les djihadistes aguerris n’ont pas les moyens de partir. En Irak, les chrétiens étaient 1,5 million sous Saddam Hussein. Plus d’un million ont fui. En Syrie, ils étaient deux millions. Un demi-million ont plié bagage.
Bon nombre ont trouvé refuge au Liban, longtemps le seul pays arabe majoritairement chrétien. Le pape François a rappelé ces dernières semaines que les chrétiens du Moyen-Orient sont chassés «dans la souffrance».
Les djihadistes souhaitent qu’il n’en reste plus dans cette région du monde où il y a encore un demi-siècle, ils formaient près de 20% de la population arabe. «Tu pars, tu te convertis ou on te tue!» Le message des «fous d’Allah» est clair. Mais les disciples du Christ en Syrie et en Irak ne veulent plus rester les bras croisés, en attendant d’être égorgés ou de voir la porte de leur maison marquée de la lettre «N» de l’alphabet arabe («N» pour Nazaréen – nom traditionnellement donné aux chrétiens).
Ils sont désormais prêts à se battre pour que les cloches de leurs églises continuent à sonner non loin de la voix du muezzin.