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Pour le meilleur ou pour le pire

Des chauffeurs de taxi mécontents mènent des actions partout dans le monde pour protester contre Uber: sabotage, lobbying, grèves. On découvre une conséquence immédiate de «l’économie du partage»: le travail dans sa forme traditionnelle est menacé de disparaître. Personne, pour l’instant, ne peut dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose.

Uber: des citoyens s’improvisent chauffeurs de taxi et vendent leurs services via une application en ligne. Airbnb: des citoyens offrent leur logement à louer via un site web. Pour les propriétaires de ces plateformes, le modèle d’affaires présente l’énorme avantage de faire disparaître les systèmes de gestion complexes, les infrastructures à entretenir, le personnel.

Disparaissent aussi les coûts engendrés par ces composantes de l’entreprise traditionnelle. Les clients, eux, trouvent leur compte dans les bas prix et les informations en temps réel sur la qualité du service. Et entre les deux, des employés-qui-n’en-sont-pas travaillent quand ils veulent, au rythme qui leur convient. Ils peuvent dire bye-bye boss!… et au revoir à la protection du Code du travail. Pour les gouvernements, c’est un véritable casse-tête de trouver comment encadrer ces pratiques en tenant compte de la sécurité publique, de l’équité fiscale, du droit du travail et de la protection de la concurrence.

Une entreprise qui met clients et fournisseurs de services en réseau aurait raison de vouloir se positionner dans cette «nouvelle économie du partage», avec la connotation positive qu’elle comporte. Mais on fait l’erreur de qualifier ainsi des initiatives qui n’ont rien de nouveau, ni rien du partage. Uber et Airbnb, pour reprendre ces exemples, sont plutôt des mariages astucieux entre économie informelle et monopole transnational. Économie informelle parce que les transactions échappent, pour l’instant, au fisc et à la réglementation. Monopole transnational parce que ces compagnies dominent presque complètement leur marché dans la plupart des pays. Vous connaissez un concurrent d’Airbnb? Ils existent, mais sont marginaux. C’est typique des marchés technologiques «winner-takes-all», où une poignée de compagnies s’accaparent la très grande majorité des clients. Pensez à Apple, Microsoft, Google, Facebook, Twitter.

Mais une véritable économie du partage existe! Des collectifs de réparation de vélos aux bibliothèques d’outils, en passant par les systèmes de troc ou l’auto-partage: ces «inventions» sont en place depuis belle lurette. Ce qui change, c’est le pouvoir exponentiel du Web, qui laisse entrevoir une transformation à grande échelle de notre rapport à la consommation, avec tous les avantages que cela comporterait pour l’environnement, pour autant que, de consommateurs, on veuille bien se transformer en simples utilisateurs de biens.

Si ce nouveau modèle d’économie donne de l’urticaire à tous ceux qui y voient la genèse d’une crise monumentale du travail, il fait aussi rêver les plus optimistes. Ces réseaux d’activité économique pair-à-pair pourraient devenir de puissants outils s’ils sont mis au service de la construction d’un mouvement social centré sur de véritables pratiques de partage et de coopération. Mais la réalisation de ce potentiel nécessitera la démocratisation de la propriété et de la gouvernance des plateformes. Sinon, ce sera business as usual.

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