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On attend quoi?

Nathalie Normandeau

À tous les assoiffés de sang, tous ceux qui mouraient d’envie de voir des gens menottés depuis que, il y a presque une décennie, on a commencé à révéler les stratagèmes de corruption dans l’appareil politique, l’arrestation d’anciens haut gradés provinciaux la semaine dernière aura fourni l’exutoire tant attendu. Du sang, bon sang! Voilà, on en a eu.

Mais ça ne règle rien. Qu’on punisse des coupables, s’ils sont reconnus coupables, c’est crucial. Mais ça ne changera pas un système qui produit de la corruption. Tout au plus, ça renverra dans leur trou les coquerelles effrayées par la lumière, en attendant le retour de l’obscurité.

Les humains sont corruptibles à des degrés divers. Il y en a qui n’y penseraient jamais. J’ose croire que la majorité se trouve dans cette catégorie. Il y en a qui ne pensent qu’à ça : à la façon dont ils pourraient profiter du système. Et entre les deux, il y a une grosse zone grise où des gens deviennent corrompus parce que les circonstances les y incitent et le permettent.

Comment fait-on pour changer les circonstances qui permettent à des élus et à des fonctionnaires de se faire graisser la patte par des firmes de génie, des entrepreneurs en construction ou des compagnies d’informatique? Une bonne partie de la réponse se trouve dans une petite brique qu’on appelle le rapport de la commission Charbonneau. En le tirant de la tablette-limbe où il recueillait la poussière, on découvre qu’il comporte une longue liste de recommandations qui tombent sous le sens, encore plus à la lecture des accusations portées contre Mme Normandeau et les autres.

On pourrait par exemple exercer un contrôle plus important sur les portes tournantes qui permettent aux mêmes personnes d’être titulaires de charge publique ou personnel politique un jour, et le lendemain sous-traitant du gouvernement. La commission Charbonneau appelle ça : «Resserrer les règles d’après-mandat.» Elle propose aussi d’interdire aux ministres et à leur personnel de solliciter des contributions politiques aux fournisseurs et bénéficiaires de leur ministère. L’évidence!

L’octroi de contrats devrait faire l’objet d’une expertise bien plus développée dans l’appareil public. Depuis que la mode est au dénigrement de la fonction publique et à sa «réingénierie», «restructuration» et «rationalisation», elle perd graduellement la capacité à former un jugement éclairé sur la valeur de ce qu’elle sous-traite. Un ministère qui ne maîtrise pas les aspects techniques des contrats s’expose à se faire passer une petite vite. Ou, quand la définition des besoins, la préparation des documents pour les appels de propositions, l’évaluation des offres ou même l’adjudication des contrats sont sous-traités, on n’est pas loin d’inviter carrément les malfaiteurs à trafiquer les contrats.

Des témoins ont allégué que Nathalie Normandeau aurait plus d’une fois agi dans le sens contraire des recommandations de ses fonctionnaires. La commission suggère justement de «dépolitiser l’approbation des projets de conservation et d’amélioration du réseau routier».

Voilà un minuscule aperçu des solutions possibles. Elles nous pendent au bout du nez. Qu’est-ce que le gouvernement attend pour s’y attaquer? En laissant le rapport de la commission Charbonneau sans suite, le gouvernement risquerait de renforcer la perception que les institutions publiques sont non seulement corrompues, mais qu’elles se complaisent dans la corruption.

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