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Laisse-moi t’aimer, Snapchat!

Lorsque Snapchat a pris son envol, j’ai presque tout de suite créé mon compte. En fait, je crée un compte sur chaque réseau social qui sort, question de «réserver» mon identité numérique @MarikaMTL, un peu comme un nom de domaine si on veut. J’ai alors ajouté quelques amis, mais je suis restée silencieuse jusqu’à tout récemment. Je me cherche. J’observe. Je zieute. Et je l’avoue, je suis mystifiée. Allons-y une chose à la fois.

Quelques statistiques pour se sentir coupable si on n’a pas de compte sur Snapchat

Snapchat est une application mobile de partage de photos et de vidéos éphémères. La notion même de spontanéité. De la spontanéité qui meure presque aussitôt. Pour vous familiariser avec l’application, je vous invite à consulter ce guide publié par Les Affaires.

Le premier prototype, nommé originalement Picaboo, a été créé en septembre 2011 par Evan Spiegel, Bobby Murphy et Reggie Brown pour un projet d’étude à l’Université de Stanford. Ce qui n’est pas sans rappeler certaines circonstances reliées à la création de Facebook. Voici les plus récentes statistiques  :

Rappelons qu’en 2013, Facebook avait offert 3 G$ pour acquérir Snapchat, offre qui a été rejetée par Snapchat, aujourd’hui valorisé à 16 G$.

Miroir, miroir : le selfie valorisé

Le selfie est légion sur cette application, autant en vidéo qu’en photo. Snapchat fait honneur à cette situation en proposant une dizaine de filtres «de faces» rigolos qui varient tous les jours. Le parfait témoin de la réalité actuelle. Le chercheur André Gunthert qui s’intéresse à l’image numérique, mentionne dans un article paru sur BilbliObs que «le selfie n’a rien de futile, puisqu’il est destiné à être partagé, souvent afin de faire rire et réagir. Le selfie traduit la capacité de traduire une situation sous forme visuelle, c’est de l’hypercontextualisation.» Snapchat a tout compris.

La messagerie privée, une composante à part entière

La partie chat est l’une de celle les plus utilisées. Lors d’une conversation privée, vous pouvez communiquer avec votre ami par différents moyens tout en restant dans l’application : message texte, téléphone, vidéo. Il est également possible de téléverser une photo ou une vidéo déjà dans la bibliothèque de votre téléphone ou encore de choisir dans la banque d’autocollants, comme il est possible de le faire dans la messagerie de Facebook. L’application se positionne d’ailleurs comme un sérieux concurrent pour des gros joueurs tels Whatsapp et Messenger de Facebook qui ne cessent de réaliser des mises à jour pour contrer cette menace.

Mes premiers constats

Une navigation peu intuitive

Ce qui m’a d’abord rebutée avec Snapchat, c’est la navigation. Toutes mes habitudes gestuelles sur un appareil mobile prennent la poubelle. En fait, je suis habituée de naviguer en glissant mon doigt de haut en bas, comme on le fait pour défiler son fil Facebook sur l’application mobile. Sur Snapchat, c’est différent, on y navigue en croix. À gauche pour accéder au chat, à droite pour parcourir le contenu de ceux à qui on est abonné. Pour voir son profil et son carnet d’adresse, il suffit d’appuyer sur le petit fantôme au centre supérieur de son écran, qui déploie alors la zone Contacts et Paramètres du compte.

Avec la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs, il est facile de prévoir que d’ici deux ans, les modes de navigation des futures applications mobiles et même des sites Web seront naturellement influencés ou vont s’en inspirer, un peu comme le mode «swipe» (balayer en français) qui s’est imposé avec la popularité de l’application Tinder. Pour plusieurs personnes maintenant, il est naturel, peu importe l’application, d’associer le glissement vers la gauche à un choix négatif ou et un glissement vers la droite à un choix positif.

La découvrabilité indirecte

En cette ère d’abondance de contenu, de surabondance même diront certains, il devient de plus en plus ardu de découvrir des contenus pertinents ou de nouvelles identités qui ressortent du lot, peu importe le réseau. Alors que les principaux médias sociaux forcent et encouragent la découverte ou la mise en relation, que ce soit de manière algorithmique comme Facebook, le «Pendant votre absence» de Twitter ou encore la section Explorer d’Instagram, Snapchat ne suggère personne. Pour s’abonner à quelqu’un, quatre méthodes disponibles: à partir de son carnet d’adresse sur son téléphone, par nom d’utilisateur, par l’ajout de personnes à proximité (fonction que votre entourage doit préalablement activer) ou encore en scannant le code d’un utilisateur.

Certains Snapchatters favoriseront la découverte en présentant d’autres utilisateurs à l’aide de leur propre snaps (comme on le faisait avec le fameux Follow Friday sur Twitter il y a quelques années), mais il n’est pas possible de taguer un compte. Une autre façon consiste à utiliser ses comptes sur les autres plateformes en partageant son contenu produit sur Snapchat ou encore en diffusant son Snapcode – un code numérique unique relié à son profil utilisateur. Vous avez certainement vu passer ces petits avatars jaunes et noirs en forme de fantôme. Vous savez maintenant ce dont il s’agit!

Un choc de générations?

Je vous disais en début d’article que ce réseau me mystifie. J’aimerais aimer ça, mais je ne sais pas quoi y dire, quoi y faire. Combien de fois je me suis dit en regardant les Stories des autres: je ne peux pas croire que je viens de perdre 20 minutes de ma vie à regarder du néant. Comment se fait-il que des gens pensent que d’ouvrir une boîte cadeau, de se faire un selfie avec une tête de chien (oui c’est possible), de raconter s-y-s-t-é-m-a-t-i-q-u-e-m-e-n-t toutes les minutes de leur vie puissent intéresser les gens? Alors qu’on encense le marketing de contenu, qu’on clame l’importance d’être pertinent lorsqu’on s’adresse à un public, comment se fait-il qu’un réseau comme Snapchat vogue à contre-courant de cette pertinence?

Exactement pour cette raison: être à l’opposé de la pertinence. Plus précisément, ne pas être à la merci de cette pertinence.

Les utilisateurs aiment le côté brut, sans souci, spontané, amical où le fait d’être pertinent n’est pas la raison principale d’exister sur ce réseau. Pas d’affichage du nombre d’abonnés ou du nombres de like, pas de partage, pas de compteur de vues. Il n’y a que vous-même qui puissiez voir le nombre et l’identité des personnes ayant regardé votre storie.

C’est mon fils de 15 ans qui m’éduque sur Snapchat. Alors que moi, je suis en contexte d’acquisition et d’appropriation du réseau, lui y navigue naturellement, comme un poisson dans l’eau. Il ne veut pas que je m’abonne à son compte. Je respecte ça, pauvre enfant, il lui faut bien un réseau où sa mère n’y est pas! Pourtant mon fils n’est pas exubérant, il est même plutôt réservé. Il s’en sert principalement pour la notion de chat et il manipule les ajouts visuels en le temps de le dire. Alors que moi j’essaie d’être cute, lui n’essaie rien. Il y va naturellement sans se poser de question. Ses réflexes sont aiguisés, alors que les miens sortent à peine de la boîte. Il semble bien heureux par contre de m’apprendre quelque chose en lien avec les médias sociaux… Et je l’en remercie!

Le côté éphémère aussi plaît à plusieurs, dont moi. Je peux me permettre de me tromper, d’essayer des choses puisque tout disparait dans les 24 heures ou dans le temps de le dire. Quelqu’un fait une capture d’écran, Snapchat m’avise à l’aide d’un message si c’est le cas…

Je me cherche encore. Je suis partagée entre mon réflexe de me créer une ligne éditoriale, qui donnerait une raison valable aux gens de me suivre – à mes yeux du moins – et mon envie de ne pas me créer de limites justement, de m’y amuser, même si ce n’est que pour une vingtaine de personnes… Et mon sage de fils qui rétorque: “arrête de penser en spécialiste des médias sociaux maman, Snapchat, c’est juste pour le fun, une autre façon de plus de parler avec tes amis…” Beau garçon.

Mon fils me prend souvent en photo ou en vidéo par surprise, au moment où je m’y attends le moins… On tient de quoi, je pense…

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