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Comprendre l’impossible

À l’époque, j’avais regardé la vidéo trois ou quatre fois tellement je l’avais trouvée savoureuse. C’était en 2011, pendant le souper annuel des correspondants de la Maison-Blanche, où des politiciens et des vedettes se raillent amicalement les uns les autres. Barack Obama s’était payé la tête de Donald Trump avec beaucoup d’humour et d’intelligence en guise de réponse aux accusations de Trump, qui prétendait que le président n’était pas né en sol américain. Le milliardaire mégalomane était resté impassible mais, on peut le deviner, il bouillait de rage.

La candidature de Trump aux élections est peut-être en partie le fruit de cet événement; le pari rancunier d’un homme-enfant qui a besoin de se prouver à un establishment politique qui ne l’a jamais tenu en estime.

Il y a quelques mois, j’écrivais une chronique au sujet de Trump en me disant que ce serait la première et la dernière fois que je le ferais. Il n’allait quand même pas devenir le candidat républicain à la présidentielle! À l’instar de bien d’autres observateurs, je croyais sa victoire impossible. Cette semaine, alors qu’a lieu la convention républicaine, l’impossible est désormais chose faite.

Au cours des prochaines décennies, des experts essaieront de déterminer et de comprendre les ingrédients particuliers d’une conjoncture qui aura mené si près du pouvoir un homme publiquement détestable, malhonnête et belliqueux.

En effet, des analystes qui se sont penchés sur la candidature de Trump ont découvert que 75 % des affirmations qu’il a faites sont fausses. Ceux qui ont étudié le tempérament de Trump ont montré que le trait distinctif de sa personnalité, outre le narcissisme, est la colère extrême. Pas besoin d’être expert pour s’en apercevoir : depuis bien avant sa candidature, ses paroles sont émaillées d’une violence verbale hors du commun pour une personnalité publique. Comment se fait-il que cette violence plaise à une partie de l’électorat?

La vulgarité de Trump est venue répondre à la langue de bois de l’establishment politique dont une certaine frange d’Américains est plus qu’exaspérée. Trump oppose au vernis habituel des discours de l’élite politique un langage et une attitude à la fois fourbes et agressifs, qu’il fait passer pour une sorte de franchise décomplexée. Cependant, plutôt que d’honorer leur frustration et leur sentiment d’exclusion, son mépris de la vérité et sa brutalité langagière rabaissent ceux qu’il prétend représenter. La dignité de tout le monde en prend pour son rhume.

Le plus étonnant, c’est qu’il ne semble avoir aucun projet politique particulier. Son désir de «purifier» les États-Unis de leurs minorités raciales, qui lui inspirent du dégoût, s’apparente davantage à une obsession maladive qu’à une politique publique.

On se demande même si le pouvoir l’intéresse ou si la joute médiatique aura suffi à assouvir sa soif de reconnaissance. Je rêve parfois à un autosabotage de Trump à la fin de sa campagne. Après avoir pris en otage le processus politique pour gagner un match de popularité, il retournerait à ses affaires, laissant le monde entier stupéfait et soulagé.

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