Recherche: le CNRC sera plus axé sur l'industrie
OTTAWA – Le gouvernement Harper a décidé de changer les priorités du Conseil national de recherches du Canada (CNRC): l’accent sera mis sur la science pratique qui peut aider les affaires et le commerce, au détriment de la recherche fondamentale.
Le conseil devient «une organisation de recherche et de technologie axée sur l’industrie», est-il écrit sans détours dans un communiqué de presse transmis mardi.
C’est un revirement majeur du mandat du CNRC, pour qu’il devienne un partenaire des entreprises pour leur développement commercial, afin qu’elles puissent tirer leur épingle du jeu dans le marché mondial.
«Le CNRC est ouvert aux affaires», a ainsi lancé Gary Goodyear, le ministre d’État aux sciences et technologies.
Le CNRC s’inspirera dorénavant des besoins de l’industrie pour ses travaux.
Ainsi, de l’aide pour la recherche et le développement technologique sera offerte aux entreprises de diverses façons pour les inciter à investir davantage dans la recherche afin de développer de nouveaux produits et de nouvelles technologies.
L’accent sera aussi mis sur la mise en marché commerciale, l’objectif étant de réduire les coûts et l’attente avant que les produits ne soient disponibles sur les tablettes des magasins.
Quant à la recherche fondamentale, le gouvernement fait valoir qu’elle doit plutôt se faire dans les universités. Et selon le ministre Goodyear, le dernier budget fédéral accorde suffisamment de fonds aux universités pour cela.
Avec un langage résolument de gens d’affaires, le président du CNRC, John McDougall, a déclaré en point de presse que «nous mesurerons nos succès en fonction de celui de nos ‘clients’».
«Nous avons modifié notre principale approche au CNRC, de l’aspect traditionnel de la recherche fondamentale et des découvertes scientifiques, vers une approche plus ciblée autour de la recherche et du développement», a-t-il dit.
«L’impact est l’essence même de l’innovation. Une nouvelle idée ou découverte pourrait s’avérer intéressante, mais ne se qualifie pas comme étant une innovation jusqu’à ce qu’elle ait été développée en quelque chose qui a une valeur commerciale ou sociétale.»
Une soixantaine de travailleurs du conseil ont été mis à la porte l’automne dernier, mais ont été remplacés par un nombre équivalent d’employés qui comprennent mieux les nouvelles orientations d’affaires de l’organisation, a précisé le CNRC.
Cherchant à prévenir les critiques, M. Goodyear a rappelé qu’au départ, le conseil a été créé pour en arriver avec des innovations pratiques. Il a cité le radar, la boîte noire et le canola comme inventions révolutionnaires issues du CNRC.
«Il ne s’agit pas de négliger la recherche pure, mais de faire en sorte que les entreprises connaissent ce qui se fait au CNRC», a répondu le sénateur Claude Carignan, aussi présent au point de presse.
En réponse à une question d’un journaliste, il a insisté que la recherche pure n’était pas moins pertinente et qu’elle continuerait à se faire, sans toutefois préciser la place qui lui serait faite au sein du CNRC.
Questionné à son tour sur les critiques qui affirment que le gouvernement se livre depuis un certain temps à une guerre contre la science, le ministre Goodyear s’en est défendu: «Notre gouvernement a investi plus d’argent dans la science et la recherche que n’importe quel autre gouvernement.»
La nouvelle orientation du CNRC s’inscrit toutefois dans une série de changements mis en place par le gouvernement ayant alimenté les critiques en ce sens.
On pense ici notamment à la fin du financement fédéral à des centres de recherche comme celui de la région des lacs expérimentaux et à l’abolition du long formulaire de recensement obligatoire qui fournissait une masse de données importantes pour les chercheurs.
Le porte-parole néo-démocrate en matière de science et de technologie, Kennedy Stewart, n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion de déplorer le geste, affirmant que la décision était mauvaise et qu’elle nuirait à la recherche fondamentale, tout en offrant une porte de sortie aux entreprises hésitantes à investir dans la recherche.
«Le meilleur aspect de notre chaîne d’innovation est le côté académique, a-t-il expliqué. Lorsque nous avons beaucoup de problèmes, ceux-ci se trouvent du côté des entreprises et des investissements. Les compagnies canadiennes n’investissent tout simplement pas en recherche et en développement.»
Si M. McDougall a admis que certaines personnes perdraient leur emploi, il a assuré que des embauches viendraient compenser ces départs.
M. Stewart s’inquiète cependant de la possibilité que les chercheurs ne décident carrément de quitter le pays au profit de la Chine ou de l’Inde, qui recherchent activement des scientifiques.
«Une fois que vous avez un exode des cerveaux, il est très difficile de l’inverser, a-t-il fait valoir. Je crains vraiment que nos plus brillants Canadiens ne décident de faire leurs bagages et de partir.»
Dans une déclaration transmise par voie de communiqué, l’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC) a quant à elle accueilli avec optimisme ce changement d’orientation. Selon James Knight, président de l’ACCC, le gouvernement fédéral pose des gestes «en vue de combler les écarts de technologie et de bâtir une économie plus novatrice, efforts qui reconnaissent les avantages de la recherche appliquée, et qui répondent directement aux besoins de l’industrie».