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Oscars 2017: le présent sourit à Theodore Ushev

Photo: ONF

Vaysha l’aveugle est en lice pour un Oscar. Et cette nomination signifie énormément. Pour le cinéma québécois, pour les courts métrages, pour les films d’animation, pour l’ONF, pour Montréal… Puis, oui, surtout, pour Theodore Ushev.

Sitôt qu’on la pose, on se dit que notre question est un peu niaiseuse. «Vous allez bien?» Même s’il répond avec tout plein de joie, des étincelles dans la voix, sans faire «ben là, neuh, franchement», c’est clair que «ça va super bien, quoi!» pour Theodore Ushev. Il y a quelques heures, tout seul, sans y croire du tout, en décalage horaire, avec son premier café de la journée à la main (café qu’il n’aura finalement jamais bu), le cinéaste montréalais d’origine bulgare s’est installé devant son écran pour écouter le dévoilement des nommés aux Oscars. Le fameux et tellement stressant «And the nominees are…» a retenti. À répétition. Et le premier film mentionné dans la catégorie du Meilleur court métrage d’animation, quel fut-il? Blind Vaysha. Le sien.

«J’étais… pas mal surpris! lance-t-il de son accent chantant teinté de notes de «çanesepeutpasjenepeuxtoujourspasycroirepincezmoi» (et de bulgare). «Je pensais que ça allait faire comme l’autre fois», ajoute-t-il. «L’autre fois», c’était en 2013, quand son Gloria Victoria s’était retrouvé sur la courte liste, dans la même catégorie. Le film n’avait pas été retenu parmi les cinq nommés au final. Mais cette fois-ci, ce n’est pas «comme l’autre». Cette fois- ci, il en fait partie, des cinq. Et parce que ces détails sont oui, minis, mais tellement toujours le fun à savoir, ajoutons que le réalisateur, contrairement à plusieurs qui préfèrent vivre ça en groupe, a regardé ledit dévoilement sans personne autour, encore assommé par les effets du jet lag, en se répétant que de s’être retrouvé dans la shortlist, comme on dit, soit dans les 10 candidats possiblement en lice parmi les 5 retenus au final, c’était quand même déjà satisfaisant. Et franchement cool.

Son cool, il ne l’a pas gardé longtemps, oscillant entre les larmes et le rire quand le titre de son dernier film a été lancé. Parlant de lancer, c’est à la dernière Berlinale, en février 2016, que Vaysha l’aveugle a été présenté en première mondiale. Comme Theodore Ushev aime le faire, deux versions de l’œuvre ont été créées: une francophone et une anglophone. Toutes deux narrées par Caroline Dhavernas. L’histoire qu’elle raconte, belle et poétique, est celle d’une enfant nommée Vaysha, née avec deux yeux différents. Un vert, un marron. Mais surtout «un qui ne voit que dans le passé et l’autre qui ne voit que dans l’avenir». L’ensemble, qui traite de l’importance, de plus en plus bafouée, de vivre le moment présent, a été inspiré par la nouvelle du même titre signée par l’auteur bulgare Guéorgui Gospodínov.

À sa mention, Theodore Ushev s’exclame d’ailleurs: «Guéorgui! C’est mon ami! Je lui dis merci!» Mais ce n’est pas le seul qu’il remerciera, non. Il y a aussi ses producteurs à l’ONF, Julie Roy et Marc Bertrand, «qui sont vraiment magiques» et pour qui il a «tellement d’estime». Et puis Caroline Dhavernas, sa narratrice, qu’il qualifie de «magnifique! Magnifique! Magnifique! Super chouette et super gentille». Oui, en ce jour de dévoilement, le bonheur de p’tit gars du réal de 48 ans est contagieux. Clairement, hier, si vous vous étiez levé du mauvais pied, Theodore Ushev était LA personne à qui parler. Et il le sera encore pour le mois qui mènera jusqu’à la cérémonie du 26 février.

Theodore Ushev«C’est extraordinaire pour Denis Villeneuve! Je suis tout, tout, tout content. Il est déjà parmi les plus grands et il a un immense avenir devant lui. C’est bien mérité. J’aurais tellement aimé que Xavier soit avec nous. Ç’aurait été génial d’être tous les trois.» –Theodore Ushev, regrettant que son ami Xavier Dolan, qui a assuré, en 2010, la narration de son court métrage d’animation intitulé Les journaux de Lipsett, ne soit pas retenu pour Juste la fin du monde.

Celui qui réside à Montréal depuis 1999 confie du reste qu’être retenu parmi les finalistes, «c’est une reconnaissance énorme, quoi! Je ne pensais jamais qu’il arriverait un moment comme ça. Être nommé aux Oscars. C’est quand même une grosse, grosse, grosse récompense. Et spécialement cette année, parce que la compétition était très forte.»

Il explique: «Il y avait un film produit par Disney – qui n’a pas été retenu. Imaginez-vous!»

Il rigole à nouveau, du ton de celui qui n’en revient toujours pas. «C’est la 74e nomination de l’histoire de l’ONF. C’est le studio le plus cité – après Disney. C’est vraiment une fierté pour moi. Et pour l’institution! Ça confirme sa vision de faire des films d’animation d’auteur, en laissant toute la liberté aux artisans.»

Theodore Ushev souligne toutefois un truc particulier: beaucoup de gens ont vu une touche d’humour dans Vaysha l’aveugle. Alors qu’il s’est toujours dit, personnellement, que c’était son film le plus déprimant. Croit-il que ce côté qui fait sourire a joué dans sa sélection? «Peut-être! Mais vous savez, les films sombres n’ont pas vraiment marché aux Oscars dernièrement. Je ne sais pas. Peut-être que le sentiment des membres de l’Académie s’est mué avec les changements politiques aux États-Unis. Ils se disent peut- être: “Tout est déprimant; à nous d’être joyeux.”»

À ce sujet, le cinéaste note l’omniprésence, dans les diverses catégories aux Oscars, du La La Land de Damien Chazelle. Soit Le Le Le film optimiste par excellence. «Je crois que dans les temps de crise, on se tourne vers le divertissement. Vers les films plus joyeux, plus romantiques… Cela dit, je n’ai pas vraiment pensé, quand j’ai fait le film, à qui il allait plaire. Il arrive ce qui arrive. On n’est pas des oracles pour prévoir ce qui va survenir. On n’est pas des Vaysha, qui voient dans l’avenir. Heureusement!»

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