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La jeune fille sans mains: prendre sa vie en main

La jeune fille sans mains, de Sébastien Laudenbach, n’a rien à voir avec les animations traditionnelles de type Disney ou Pixar, et c’est tant mieux.

Le long métrage, qui est inspiré d’une pièce d’Olivier Py, renvoie au conte très cruel des frères Grimm. Le récit sombre et troublant d’une fille sans mains qui est reniée par son père, poursuivie par le Diable et abandonnée par un prince.

«Son émancipation me touchait, avoue le réalisateur Sébastien Laudenbach, rencontré il y a quelques mois lors de sa visite à la Cinémathèque québécoise. Elle a besoin de temps et d’espace pour exister complètement. Si le film débute dans la noirceur, il devient de plus en plus lumineux.»

Un constat qui s’apparente au projet lui-même. Pendant sept années, le cinéaste français a travaillé d’arrache-pied en se montant une équipe. Il a tout abandonné, faute de moyens financiers… pour le reprendre plusieurs années plus tard, seul, improvisant à la façon d’un musicien de jazz.

«Un des paris artistiques de ce film est d’utiliser les ressources que propose l’animation pour évoquer des choses d’une façon différente. Puisqu’on est loin du réel, autant en profiter. Cela crée de la poésie, de l’espace dans lequel le spectateur peut se projeter.» – Sébastien Laudenbach, réalisateur de La jeune fille sans mains

«Comme j’ai tout fait dans la continuité chronologique de l’histoire, j’étais pris par le flux du film, se souvient  cet admirateur de Norman McLaren et d’Isao Takahata. Je dessinais sans voir le résultat. Je ne savais pas si ce que j’étais en train de dessiner allait fonctionner, mais j’étais complètement pris dans le film.»

Sa technique, unique, est de dessiner à l’encre de Chine, mais sans terminer ses dessins. Une façon d’épargner du temps et de l’argent qui est devenue un véritable élément de langage. Le film devient ainsi organique. Les personnages se confondent parfois aux décors. Les images semblent vivantes, en continuels mouvements, respirant allègrement.

«On a l’impression que le dessin naît sous nos yeux et qu’il a quelque chose à nous dire», fait remarquer le concepteur.

Ce puissant rendu visuel qui n’est jamais très loin de l’abstraction est agrémenté d’une trépidante trame musicale d’Olivier Mellano (qui a beaucoup travaillé avec Dominique A) qui décuple le somptueux cauchemar onirique. Le tout étant toujours au service de l’héroïne. «Quelqu’un d’inachevé, en quête d’elle-même, rappelle Sébastien Laudenbach. Il y a une espèce de fusion entre le fond et la forme.»

Casser les choses
Le domaine de l’animation est en pleine mutation et on le voit par l’entremise de projets de qualité supérieure tels La tortue rouge, Ma vie de courgette et Louise en hiver. «Trop souvent, les longs métrages sont limités, ils n’exploitent pas leur langage cinématographique, laisse savoir Sébastien Laudenbach, créateur de La jeune fille sans mains. Mais ça commence à changer. L’animation mondiale est en train de vivre une crise d’adolescence. Elle se cherche, et c’est très positif.»

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